
Episode 34
Ces mots ne sont pas de moi.
Je porte juste leur voix
En Afrique, il n’y a pas de destin
Le bonheur des uns
Fait le malheur des autres
Ce sont les rites locaux
Au milieu du village
Traine le corps
D’un homme mort
Il est recouvert d’un linge
Il a volé dit-on
Et afin d’enseigner
A d’autres garçons
Que voler est mauvais
Nous le laissons couché
Jusqu’à ce que la leçon
Soit bien ancrée
C’est éloquent en effet
Un jour je me suis éveillée
Mon cœur battait la chamade
Durant deux ans complet
J’ai cru que j’étais malade
Un jour j’ai réuni ma famille
Il fallait que je sache
Malade était ma fille
Alors qu’elle préparait son bac
Sur son pupitre elle s’est effondrée
Elle est morte sur ses cahiers
On ne saura jamais pourquoi
Elle avait dix-sept ans et un chouia
Nous sommes le contenant
Des erreurs passées avant
Nous sommes les fautes
De nos aïeux fantômes
Notre rôle est d’échapper
A leur destin mauvais
Et si possible de réparer
Afin de progresser
Dans le village à côté
Est né un nouveau-né
Les yeux fermés
Les médecins n’ont rien trouvé
La sorcière est venue
Elle a dit sans déconvenue
Ce petit a été préconçu
Avec l’âme d’un ancêtre méconnu
A nous de trouver l’élu
Pour lui redonner la vue
Dans une case on remplit
Huit coupes emplies
D’une pure eau de vie
Chaque bol signalait un « déjà parti »
Personne n’entra jusqu’au matin
Où l’on constata sans chagrin
Qu’un bol fut vidé, seulement un
Ceci scella le destin du joufflu
Du gamin qui recouvra la vue
Mon grand-père n’a pas de tombe
Guerrier vigoureux il réglait son compte
Au village voisin dans la jungle profonde
Son ennemi se lia avec le colon
Avant de trépasser en haillon
Celui qui me donna son nom
Se cacha dans son humble maison
Les Allemands y jetèrent un bataillon
Mais rien, ni hommes ni cochons
Mon pépé était sorcier
Dans le vortex il s’en est allé
Le problème de vos religions
C’est qu’elles se sont empressées
D’écrire un livre, le livre sacré
Le vaudou oralement se transmet
Ce qui nous permet de nous venger
Sans que vous puissiez en saisir l’objet
Dans notre quête du progrès
C’est notre âme qui doit s’éveiller
Je reprends ma plume
Ces phrases prononcées
Sous un ciel en pleine lune
M’auront subjuguées
Et un peu apeuré
Je le traduis par ce texte
Mais tient ma promesse
De ne pas en citer le contexte
Je ne suis qu’un témoin modeste
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