Episode 10
Je vous remercie pour l’invitation, je suis à l’heure ?
Oui, elle attend dehors, je me disais qu’il était indécent de parler d’elle… devant elle… mais je peux aller la chercher si…
D’accord, très bien, c’est…
Oui, en effet, elle est une pièce maitresse de ce voyage. Sans elle, pas de possibilité de rouler vers le sud, vous pensez bien.
En effet, c’est une bestiole aux formes généreuses, heureusement d’ailleurs.
Comment on s’est rencontré ?
Ouh la…
J’en avais déjà une autre, une plus petite, ça c’est mal terminé, elle a même écorché ma fille ainée, un fiasco, il n’y a pas d’autres mots.
J’ai donc cherché une autre… chaussure à mon pied si j’ose dire. Du même genre, mais avec plus de caractère, une plus grosse.
J’aime pas trop discuter avec plein de gens, alors j’ai cherché sur une application, j’ai tout de suite remarqué Lily, mais je ne sais pas, elle me semblait trop fougueuse. Moi j’aurai préféré une qui avance sans rechigner sur les vitesses, une sorte de boite automatique. Enfin, je vous passe les détails.
Et moi j’aimais pas trop le rouge avant de la rencontrer, et on sentait bien que sa robe faisait partie intégrante d’elle. J’avais eu un coup de cœur, mais elle n’était pas disponible, du moins pas tout de suite, tandis que Lily se proposait d’être montée immédiatement, alors je l’ai choisie.
C’est après que j’ai appris à l’aimer.
Ensemble, on a traversé le COVID. Elle m’a soutenu dans les premiers moments de ma séparation. J’aimais sa liberté, son gros cœur et le fait qu’elle autorisait Charlotte à venir avec nous. Elles se sont d’ailleurs assez vite plu mutuellement, et c’était quelque chose d’important pour moi.
Pourquoi Lily la Tigresse ?
Ben déjà parce qu’on me surnomme volontiers Peter Pan, et que Clochette était déjà prise.
Mais surtout, elle n’est pas de nature jalouse, mais quand même, elle a un sacré caractère, quand elle n’aime pas quelqu’un, ben elle ne l’aime pas. Point.
Une anecdote ?
Après le fiasco précédent, je m’étais juré de ne plus trainer qu’avec une seule bestiole, alors j’en ai pris deux à la fois. Je sais, c’est pas courant, mais moi, ça me convenait.
Il y a celle qui vous console si l’autre n’est pas là, et inversement…
Bref ! Chacun son style de vie.
J’ai opté pour une Américaine. Luxueuse. Je l’avais déjà vue sur quelques vidéos.
Un jour j’ai décidé d’aller faire un peu la fête avec elle à Lyon. Je ne sais pas ce qui a pris à Lily, d’ailleurs ce que je vous raconte là est une déduction, je n’en ai pas la preuve, mais elle a réussi à prendre contact avec la mafia lyonnaise. Elle voulait que l’américaine disparaisse. Ils lui ont dit qu’elle n’en valait pas la peine, qu’ils ne savaient pas s’ils allaient pouvoir la refourguer, mais Lily leur a répondu que ça ferait un beau cadeau à leur patron. Point !
Alors au milieu de la nuit, des gens cagoulés l’ont enlevé.
Et je ne l’ai plus jamais revue.
Bien sûr que j’ai été voir la police, mais ils ont dit que ça arrivait souvent, que les chances de la retrouver étaient mince, on faisait surtout ça pour les assurances.
Depuis, je n’ai plus que Lily, et je ne suis pas près de m’en séparer.
Elle a intérêt à m’amener jusqu’en Afrique du Sud en toute sécurité, elle.
Quoi ?
Ben non, Lily c’est ma moto… vous imaginez bien… Vous pensiez à quoi ?
Je sais, ça peut paraitre ridicule d’humaniser une moto, mais vous savez, c’est un peu comme le cheval du cow-boy, vous passez des heures assis dessus, à voir défiler les panoramas, et parfois, sans savoir vraiment pourquoi, vous lui caressez l’échine, vous lui dites merci, de tenir le coup, sans jamais faiblir, à des vitesses élevées. Vous prenez alors conscience que toute votre vie, votre sécurité, ne tient que sur deux bouts de caoutchouc, vos roues, et vous remerciez le destin de vous avoir réuni, pour le meilleur, mais pas pour le pire.
Forcément, on s’attache à sa moto…
Allez, je vous laisse… J’ai encore du chemin…
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