80. Une nuit chez les nonnes

80. Une nuit chez les nonnes

Mercredi, Mai 14, 2025 [ROMAN]

Chapitre 80 IOVMEDR

Les nonnes vous accueillent avec joie et bienveillance. Elles sont contentes de pouvoir vous venir en aide. Elles sont en réunion, en ce samedi après-midi, occupées à célébrer la fin de la semaine. Contre toute attente, il y a des bières et beaucoup de fidèles venus assister à la messe.

Elles vous proposent une chaise confortable, elles vous aident à monter votre tente, l'une d'elle vous apporte même de la crème contre les douleurs musculaires et quelques anti-inflammatoires.

Vous êtes au milieu de toutes ces femmes qui ont voué leur vie à Dieu, il se dégage d'elles de la joie, un bonheur presque infantile.

Cela vous apaise.

Vers 20 heures, le soleil se couche et un vent implacable vient secouer votre tente. Alors que la pluie commence son ballet autour de vous, vous vous couchez sur votre lit de camp, assommé par les médicaments et la bière, sans doute.

Vous faites le tour de l’horloge.

Le matin reste douloureux. Vous arrivez avec lenteur à empaqueter une fois de plus vos affaires. Les fidèles vous saluent alors qu'ils se rendent à la messe du matin, l'église se trouvant à quelques mètres seulement de votre position.

Nous sommes dimanche, jour du Seigneur.

Une des nonnes vient vous voir.

Vous souhaitez prier avec nous ?

Vous refusez poliment. Il est vrai que vous hésitez, la chaleur d'une église pourrait être salutaire en ces temps douloureux, mais vous savez qu'il vous reste quelques trois cents kilomètres à parcourir et dans votre état, vous n'êtes pas sûr d'y parvenir. Vous ne souhaitez pas offenser les douaniers en vous présentant à la douane avec un visa périmé.

Je comprends, ajoute la nonne, vous n'êtes pas sûr de comprendre notre langue, je comprends.

Cette phrase est magique, comme le jeu du contentement chez Pollyanna. La sœur a trouvé la phrase pour vous dispenser d'argumenter, en vous maintenant à l'aise.

Vous l'embrassez par une accolade franche, ses consœurs viennent vous saluer à leur tour.

Vous reprenez la route en direction du sud et de votre vingt-et-unième pays, la Namibie.

Tomber malade au milieu de nulle part faisait partie de vos plus grandes peurs. Vous n'êtes pas vraiment croyant, mais le fait de découvrir sur votre chemin ce monde de bienveillance et de sérénité vous porte un coup émotionnellement très fort. Il est difficile de savoir si ces femmes mesurent la portée de leur aide en un moment si particulier pour vous, mais il est sûr que vous n'oublierez jamais ce qu'elles ont fait pour vous, et bien qu'ayant quelques griefs contre la religion catholique, votre philosophie de vie en prend un coup : ce fut un moment d'une rare intensité.

Le passage de la douane se fait rapidement, sans grandes difficultés. Nous sommes fin mars et dès le premier avril, les Suisses devront s'acquitter d'un visa pour entrer en Namibie. La douanière tente de vous faire payer déjà, mais vous refusez poliment. Elle aura essayé.

Vous êtes triste de quitter l'Angola, mais la Namibie vous accueille déjà avec plein de promesses. Ce pays, dirigé par une femme de poigne, semble très organisé et vous remarquez dès les premiers kilomètres que si vous êtes encore sur le continent africain, vous êtes entré dans un pays organisé, avec des restaurants, des centres commerciaux, la possibilité de payer par carte et des bancomats à chaque coin de rue. La Namibie est aussi développée que l'Europe.

Vous poursuivez en direction du sud, vers un village qui s'appelle Ongula. Vous êtes tout au nord de la Namibie. C'est rigolo de penser que le dernier village de l'Angola s'appelle Namibe et que le premier village de la Namibie s'appelle Ongula. Cela renforce encore plus le lien qui unit ces deux pays dont l'histoire les rapproche culturellement.

Le lodge dans lequel vous avez prévu de planter votre tente est accueillant, même si à peine installé, une pluie diluvienne vous souhaite la bienvenue.

Cet accueil durera une semaine !

Vous ne vous remettez pas de ce qui arrivait dans votre relation avec Jipé. Vous espérez que c'est dû à un pétage de plomb, que la raison va venir le trouver et que vous allez reprendre la discussion, apaisé et désireux de trouver une solution simple, mais au contraire, la situation s'envenime.

Dès le mois de mai, le jugement pénal intervient rapidement, c'est plus compliqué qu'il n'y paraît de décider si c'est du vol caractérisé ou non et la procureur vous renvoie devant les tribunaux civils. Les frais de justice sont à votre charge, huit cents francs que vous payez sans histoire. Vous regrettez que la justice n'ait pas le courage d'enquêter plus avant, mais vous comprenez toutefois que c'est peut-être quelque chose de civil, plus que pénal. De toute manière vous n'y connaissez rien et votre avocat vous explique que c'était un risque à prendre, mais que ce n'est pas grave, il a eu raison d'agir en amont sur le plan civil afin de ne pas perdre de temps.

Car en effet, du temps, vous n'en avez pas.

Lorsque vous avez acheté le jeu en Norvège, vous avez acquis l'exclusivité de ce matériel pour la Suisse et votre partenaire norvégien demande des comptes-rendus mensuels de vos ventes, chiffres que vous ne pouvez pas lui donner. Vous tentez de le calmer, lui expliquant qu'un procès est en cours, mais comme vous avez demandé des mesures super-prévisionnelles, ce qui signifie "aussi rapidement que possible", la situation devrait s'améliorer rapidement.

Il fait confiance en votre analyse.

Vous ne comprenez tout de même pas ce qu'il se passe. Il suffit de demander à Jipé la facture qui prouvera que le jeu n’est pas à lui. Dans une comptabilité, un achat de quatre-vingt mille francs, cela se voit. Vous pouvez prouver votre achat, vous avez d'ailleurs annexé votre facture et son paiement aux documents déposés en justice, mais du côté de Jipé, il est impossible qu'il présente de tels papiers puisque dans les faits, il a le jeu en résidence chez lui, mais il ne l'a jamais acheté. C'est d'ailleurs bien ce qui est inscrit sur le contrat que vous avez signé : le jeu reste propriété d'HENIGMA.

Vous tentez une fois encore de vous présenter devant Jipé pour en discuter, mais il vous ferme sa porte. Il ne souhaite pas vous parler. — D'abord paie 15'000 CHF et j'accepte de te parler !

Ce jeu représente votre principal outil de travail et sans le rendement prévu, vos chiffres tombent en chute libre. Vous deviez rentrer dans vos frais dans les huit à douze mois qui suivaient l'installation du jeu à Anzère, profitant grandement de l'hiver en station, mais sans retour sur investissement depuis septembre dernier, votre société commence à prendre l'eau.

Il faut absolument que quelque chose se passe ou c'est la noyade assurée.

Heureusement, la justice va venir rapidement remettre de l'ordre dans tout cela.

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