79. Mauvais temps

79. Mauvais temps

Dimanche, Mai 11, 2025 [ROMAN]

Chapitre 79 IOVMEDR

Vous affrontez le désert jusqu’à Lubango. Sur les longues plaines arides, vous faites une pause pour embrasser Lily.

Vous vous sentez un peu ridicule, mais c’est comme ça. Le motard humanise sa monture car il sait que sans elle, il n’est rien. Vous êtes trop heureux de la retrouver vaillante. Il y a tant de moments, dans un voyage comme le vôtre, durant lesquels tout peut s’arrêter. Avec vos 30 EUR par jour, vous n’êtes pas en mesure de vous racheter une moto si par malheur Lily devait succomber à ses blessures. Elle fait partie de l’irremplaçable qui fatalement mettrait un point final à votre aventure.

Le décor est magnifique.

Vous aviez déjà découvert ces panoramas à la “Dune” en Mauritanie, mais c’était le début du voyage, vous étiez en “apprentissage” d’aventurier. Vous y êtes passé trop vite. Vous regrettez de ne pas avoir pris le temps d’être plus curieux. Mais c’est comme ça. Cela fait aussi partie du voyage. Alors ici, au sud de l’Angola, retrouver ces décors vous met presque la larme à l'œil. C’est comme un cycle qui se termine.

Avant d’arriver à votre dernière étape avant votre prochain pays, la Namibie, vous passez un magnifique col qui vous rappelle ceux traversés au Portugal, la Serra da Leba. Puis vous découvrez la faille de Tundavala, un canyon de plus de mille mètres de vide qui offre une vue spectaculaire sur les environs. Hélas, le mauvais temps approche et vous roulez dans d’épais nuages qui gâchent un peu la vue. Qu’à cela ne tienne, vous évitez la pluie et c’est déjà ça.

À Lubango, vous profitez d’une petite folie, un hôtel 4* situé en plein cœur d’un parc national aux abords de la ville. La nuit est facturée environ 70 EUR, une nuit qui en Suisse vaudrait dix fois plus cher. Vous fumez un cigare sur la terrasse du lodge que vous occupez. Des chimpanzés viennent vous voir, tandis qu’une famille de zèbres vous quémande quelques caresses.

À Lobito, vous aviez fêté votre anniversaire sous tente avec d’autres voyageurs, vous profitez de ce moment magique au milieu des animaux dans un hôtel luxueux pour prendre la mesure de votre anniversaire comme vous l’aimez, dans votre propre solitude, en pleine nature.

Le restaurant propose un poulpe magnifiquement cuisiné.

Au matin, vous vous dépêchez de reprendre la route, ce serait idiot de s’habituer à ce train de vie.

Vous ne savez pas encore si vous traverserez la frontière aujourd’hui. Vous avez passé un mois dans ce magnifique Angola et votre visa arrivera à échéance demain, vous avez donc la possibilité de dormir une nuit supplémentaire dans ce pays coup de cœur. En roulant, vous vous promettez d’y revenir, une fois, qui sait !

La route possède d’innombrables trous qui nécessitent votre pleine concentration. Pour la première fois depuis le Maroc, vous remettez votre veste de moto. La fraîcheur matinale fait du bien. Quelques nuages se réunissent au sud. Vous êtes heureux !

Vous évitez les trous en gardant un bon rythme de 80 km/h environ. Quelques fois, la pluie tombe, fortement, juste un instant. Puis ce mauvais temps cesse instantanément.

Vous oubliez que votre ABS est débranché. Lorsque pour la millième fois, vous tentez d’éviter un trou, l’absence d’ABS vous rappelle à l’ordre et vous tombez durement contre le bitume à environ 50 km/h.

Franchement, la chute est banale, pas vraiment de casse si ce n’est votre sacoche avant gauche et Lily répond agréablement à vos essais moteur. Mais vous êtes tombé rudement, comme claqué contre le sol. Cette fois-ci, pas de glissade, pas de roulé-boulé, mais un choc violent. Heureusement que vous étiez bien équipé.

Dans votre chaussure gauche, vous avez senti vos doigts de pied se retourner à 180° dans une douleur atroce, mais d’un coup sec de la main, à travers la botte, vous remettez le tout droit, comme il se doit.

Votre épaule gauche a aussi bien ramassé, la douleur est vive, comme une élongation. Que ce soit cette articulation ou votre pied, vous tentez de faire bouger le tout et si la douleur est bien présente, rien ne semble cassé. Vous supposez que ce doit être un gros hématome rempli de sang qui rend la douleur insupportable, mais vous ne devez pas regarder dans la chaussure, car votre pied va sans doute enfler et si vous ôtez la chaussure, il n’y a aucune chance que vous puissiez la remettre.

Comme toujours sur le continent africain, votre chute a attiré le passant. Vous remontez sur Lily comme si de rien n’était et vous poursuivez votre route, saluant les gens au passage.

Vous vous arrêtez quelques kilomètres plus loin, vous êtes de nouveau en état de choc, votre front est chaud, vous êtes malade.

Il faut trouver un endroit pour vous reposer.

Sur votre application, vous voyez que quelqu’un parle d’un monastère de nonnes, pas très loin, moins de 100 kilomètres du lieu où vous êtes et juste avant la frontière. Cela vous paraît un bon plan. Vous reprenez la route.

Vous rentrez de Lyon le jeudi. Jipé vous avait promis le retour du jeu “d’ici vendredi”, vous vous étonnez de ne pas le voir là, mais sans vous inquiéter. Le vendredi, rien.Vous laissez passer le week-end. Le lundi, vous appelez : Jipé ne veut pas vous parler. Vous décidez de prendre votre voiture et d’aller le voir. Il refuse de vous parler. En vous poussant par l’épaule :

— Je ne veux plus te voir, file loin d’ici ! Si tu veux revoir ton jeu, fais-moi un versement de 15’000 francs et je te le rends.

Que se passe-t-il ?

Vous essayez de le raisonner, mais c’est impossible puisqu’il refuse de vous parler. Vous appelez un de vos amis, avocat, qui vous explique qu’il faut déposer une plainte, mais qu’il n’est pas certain que le pénal s’applique dans ce cas, alors il vous propose de déposer en même temps une requête de mesure super-prévisionnelle dans un tribunal civil afin de maximiser vos chances.

Comme par le passé, vous vous présentez le mercredi au poste de police pour signaler le vol de votre outil de travail, le jeu que vous aviez déposé à Anzère et qui a disparu.

Vous croisez les doigts pour que la justice s’applique rapidement.

Avec votre expérience de ce genre d’affaire, vous avez été prudent, vous avez pris conseil auprès d’hommes de loi et vous avez agi avec calme, proportionnalité et discernement.

Et c’est quoi, cette prise d’otage !

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