
Chapitre 73 IOVMEDR
La RDC est évitable pour autant que vous soyez à moto. En 4x4, c'est plus compliqué.
Un bateau-grue est disponible à Cabinda pour vous faire passer les quelques dizaines de kilomètres de RDC le long de la côte. En effet, au Nord, Cabinda, une enclave d'Angola et au sud, l'Angola. Vous passerez donc de Cabinda à Soyo en moins de trois heures.
Ce n'est pas moins cher que de faire le visa pour le Congo Kinshasa, mais l'expérience est unique. Vous vous décidez pour la grue.
La journée est longue. Vous vous présentez à 8 heures le matin au port pour faire tous les documents. Vous attendez. Vous signez un papier. Vous attendez encore, vous signez un autre papier. Il est 11 heures, le capitaine vous demande de revenir vers midi.
Vous buvez un café.
Vous revenez à midi, vous attendez jusqu'à 15 heures, puis vous suivez un homme dans une voiture noire jusque sur la jetée. Lily est prise en charge. Elle est suspendue au bout d'une solide corde. Vous entrez dans le bateau en tant que passager. Vous espérez que tout se passe bien.
Ce bateau, hormis le fait qu'il transporte votre moto, est aussi un aéroglisseur qui transporte des passagers. Durant les trois heures que dure la traversée, la grande majorité du bateau est malade. Ils vomissent partout, les premiers rendant malade les seconds rien qu'en les regardant.
Vous, ça va.
Vous prenez des photos de l'extérieur, vous filmez un peu. Il vous tarde d'être sur la terre ferme.
Vous arrivez à Soyo vers 19 heures. Le soleil est déjà couché.
Vous attendez qu'on dépose Lily délicatement sur la jetée. Un homme s'approche de vous. Il vous montre sa carte. Il est policier.
- Une fois que vous avez récupéré votre moto, merci de passer vers moi, il va falloir payer pour le voyage.
Vous le regardez ! Il vous prend pour un idiot ?
- J'ai déjà payé. J'ai payé pour le transport de la moto, ainsi que pour le transport du passager.
Vous lui montrez les documents.
- Oui, j'entends bien, mais il y a encore une taxe à payer pour le poids.
N'importe quoi !
Franchement, vous êtes fatigué, vous n'en pouvez plus de ces types qui pensent que parce que vous êtes blanc, ils peuvent vous arnaquer sans cesse.
Vous tapez un numéro sur votre téléphone que vous portez à votre oreille.
- Ah, je l'ignorais. Préparez les documents, en effet, je vais vous payer. Laissez-moi juste faire un téléphone pour savoir ce qu'il en est vraiment.
Cette fois c'est lui qui vous regarde, hébété !
- Vous téléphonez à qui ?
- À mon ambassade, histoire d'être sûr !
- Votre ambassade, à 19 heures ?
Il éclate de rire.
Vous montrez une photo sur votre téléphone.
- Je suis colonel dans l'armée suisse, dépêché par l'ONU pour faire un rapport sur la corruption en Angola. Je rapporte donc ce que vous venez de me dire à mon chef, -et je peux vous assurer qu'il me répond, même à 19 heures-, mais ne vous faites pas de souci, je vais payer votre taxe, merci de préparer tous les documents.
Le type s'éloigne en branlant la tête.
Vous avez un peu honte de ce mensonge. Bien que toujours actif dans l'armée suisse, ce "mandat" est bien entendu une invention de votre part.
On vous informe que votre moto est à terre. Un homme s'approche, il parle vite, vous ne comprenez rien. Il vous explique que la moto a subi quelques dégâts, le cale-pied a été arraché et il y a des bosses sur la carrosserie. Que pouvez-vous y faire ? En Angola, à 20'000 kilomètres de chez vous... vous lui dites que ce n'est pas grave, vous montez sur votre moto et vous rejoignez le "policier".
- Vous pouvez y aller, nous ne taxons pas les officiers.
Votre coup de bluff a marché.
Vous êtes fatigué.
Vous roulez jusqu'au premier hôtel de la rue principale. Vous ne roulez en principe pas de nuit, mais aujourd'hui, pas le choix.
Vous prenez une chambre. Vous vous installez pour manger quelque chose. L'ambiance est lourde. Vous êtes au centre d'un réseau de prostitution et de drogue et les offres affluent autour de vous.
Vous montez vous coucher rapidement.
En octobre, c'est étonnant, mais les chiffres de votre jeu descendent un peu. Pas beaucoup, mais suffisamment pour que cela vous inquiète. En effet, il y a dix jours de vacances scolaires en octobre et vous vous attendiez à quelques réservations, mais bon, vous prenez acte. Peut-être avez-vous commencé la publicité un peu tardivement. Vous attendez. La patience est très importante lorsqu'on installe un nouveau produit dans un nouveau lieu. Vous approchez Noël, en station de ski, cela va forcément décoller.
En novembre, encore moins de clients, mais vous commencez à recevoir d'étranges mails.
Une école vous écrit pour vous dire qu'elle trouve dommage que vous ayez annulé sa venue au dernier moment. Ils comprennent que le jeu puisse être "en réparation", mais ils ont dû se replier vers une autre activité dans des délais trop courts.
C'est étonnant.
Déjà parce que votre équipe est la seule capable de réparer le jeu et que Jipé ne vous a pas informé d'une casse quelconque sur le matériel. Ensuite de votre côté au moins, vous n'avez annulé personne.
Vous recevrez un second mail assez similaire, sur une soi-disant mise à jour du jeu qui a empêché un groupe de venir jouer un samedi après-midi.
Vous êtes bien conscient que le contrat est assez clair sur les heures de disponibilité du jeu. Normalement, les inscriptions doivent se faire via votre site à vous, mais des gens appellent l'hôtel en direct et, certainement par souci commercial, Jipé prend les réservations sans vous en informer.
Quant à l'indisponibilité du jeu, vous comprenez que parfois peut-être, Jipé pensant qu'il n'y aurait personne, a pris d'autres engagements pour sa salle. Il sait bien que le contrat ne le permet pas. Mais c'est votre ami, alors vous essayez avec tact de lui rappeler ses obligations.
Vous lui lancez un coup de téléphone en demandant des explications en rigolant un peu. Jipé nie en bloc, vous lui répondez que sans doute, vous avez mal compris le mail. Vous lui rappelez en passant ses obligations. Le message, vous en êtes certain, est passé !
Vivement Noël.