70. Des végétariens en Afrique de l’Ouest

70. Des végétariens en Afrique de l’Ouest

Dimanche, Avril 20, 2025 [ROMAN]

Chapitre 70 IOVMEDR

Vous vous réjouissez du Congo.

Attention, il y a deux Congo : le Congo Brazzaville dit, la République du Congo, ancienne colonie française, et le Congo Kinshasa, ancienne colonie Belge, dit la République Démocratique du Congo, ou RDC, ou anciennement Zaïre. Vous, vous allez traverser le Congo Brazzaville. Quand vous avez fait votre visa à Cotonou, l'ambassadeur sur place était tellement sympathique qu'il vous a laissé imaginer que ce Congo là serait accueillant. Contrairement à la RDC qui vient de mettre le feu à l'ambassade de France dans sa capitale. Le pays est en feu. Il vaut mieux ne pas arborer des plaques françaises ou parler cette langue qui vous met immédiatement sur le banc des accusés. Entre Kinshasa et Brazzaville, quelques centaines de mètres. Ce sont les capitales de pays les plus proches du monde. Vous passerez par l'une en évitant de regarder vers l'autre.

En descendant vers le sud, vous décidez de faire un arrêt juste à la frontière. Vous avez envie de retenter le camping sauvage, mais cette fois-ci tout seul. Vous êtes aussi parti dans cette aventure pour tester vos limites. Dans ce Cameroun-ci, -au sud de Yaoundé-, et avec vos attentes sur le Togo, vous vous dites que c'est le moment de passer le pas et d'affronter vos peurs.

Vous vous décidez pour une petite place en terre, au pied d'un immense arbre, bien à l'abri des regards et de la route principale. Vous avez découvert ce lieu sur cette application pour voyageurs terrestres. Vous posez votre moto, il est 14 heures, vous décidez d'attendre 17 heures avant d'installer vos affaires. Cela vous permettra de voir si quelqu'un vient vous voir et si l'endroit est sécurisé ou au centre d'un passage à pied.

À peine vous débutez l'installation de votre tente qu'un véhicule vient se poser à côté de vous, ce sont deux jeunes hollandais que vous aviez déjà croisés rapidement en arrivant au Cameroun par le Nigeria. Vous décidez de passer la nuit en leur compagnie, leur proposant même de leur faire quelques crêpes pour le souper ; un repas idéal pour ces deux étudiants en médecine de surcroît végétariens.

Vous poursuivez dès le lever du soleil vers le Congo, laissant les deux tourtereaux derrière vous, -d'ailleurs madame ne se sent pas bien, elle a des migraines, elle va rester couchée-.

Tout en roulant, vous vous dites que c'est tout de même étrange d'être végétarien et de faire ce voyage. Vous qui venez de quitter cette incroyable briqueterie à Yaoundé, vous êtes conscient que plus d'un tiers des expériences de cette Afrique de l'Ouest passe par vos papilles. En refusant la nourriture locale qui est principalement axée autour d'une protéine animale, vous passez à côté d'énormément d'expériences, ne serait-ce que celle de partager le repas avec des locaux très excités de vous présenter leurs spécialités.

Il y a une sorte de paradoxe dans cette approche.

Pas étonnant qu'à 20 ans elle soit sujette à des maux, migraines ou autres...

"Faut manger de la viande, madame", pensez-vous en roulant.

Votre premier arrêt se situe dans un hôtel après la frontière. Vous souhaitez y passer une nuit, l'hôtel est vraiment ce qu'il y a de plus simple et votre application vous informe que le prix est de 5 EUR la nuit.

Mais vous déchantez rapidement. Le réceptionniste vous dit que le prix est de 10 EUR. Vous êtes fatigué, vous avez besoin d'un matelas, vous acceptez.

Durant la fin d'après-midi, d'innombrables travailleurs du bois viennent profiter de l'hôtel pour se reposer avant de reprendre leur travail le jour suivant. Vous passez une bonne soirée en leur sein. Ils vous apprennent que vous vous êtes fait rouler, que le prix est bien de 5 EUR la nuit, mais vous êtes blancs.

L'un d'eux regrette le racisme anti-blanc ambiant, il appelle la patronne qui vient s'excuser :

- Le réceptionniste est nouveau, il ne connaît pas les prix, je vais vous rendre vos 5 EUR.

- Gardez-les et offrez une tournée de bière à ces travailleurs.

Vous voulez lui montrer que ce n'est pas les 5 EUR le problème, mais bien le principe d'augmenter les prix parce que vous êtes blanc. À 50 centimes la bière, vous pouvez pour ces 5 EUR offrir une bière à chacun. Cela vous remplit de joie.

C'est un message subliminal, mais vous espérez que la patronne comprend qu'il vaut mieux avoir 5 EUR de dépensés en plaisir plutôt qu'en frustration.

Bref, vous poursuivez en direction de Ouesso, affrontant pour la première fois depuis le début du voyage, de fortes pluies d'une quinzaine de minutes à chaque fois.

Lorsque vous retrouvez Jipé, le courant passe immédiatement. Vous lui faites votre proposition qui est d'une simplicité simple (oui, la répétition fait l'effet). Vous montrez à Jipé que le matériel du jeu vous a coûté 80'000 EUR, mais il s'agit là du matériel, pas du jeu. Afin de lui proposer un véritable jeu d'aventure, il va vous falloir inventer un story-telling, une mécanique spéciale, poser ce jeu dans le lieu qui lui est destiné, afin d'en faire une aventure unique, auquel s'ajoute encore une musique originale que vous allez acheter et une charte graphique, logo et illustrations qui vont devoir s'ajouter au concept global. Le tout vous coûtera un peu plus de 20'000 CHF, mais vous décidez, en toute transparence, de prendre le matériel à votre charge et de ne lui facturer que la création du jeu proprement dit, soit les 20'000 CHF de sous-traitance. Ainsi, le jeu vous appartiendra toujours, puisque vous l'avez acheté complètement. Vous lui proposez de mettre le jeu dans sa cave, comme prévu, et de facturer le jeu 30 CHF dont vous distribuerez le chiffre d'affaires 50-50. Une moitié pour couvrir vos frais, une seconde pour couvrir son loyer.

Plus simple, tu meurs.

À cela s'ajoutent des clauses comme l'obligation d'accepter les joueurs, des horaires imposés, un lieu obligatoire défini, des inscriptions obligatoires via le site, une communication gérée par Henigma pour contrôler l'image, bref, le tout bien entendu fait en parfaite collaboration avec celui qui est votre ami.

Cette simplicité, vous en êtes convaincu, sera la garante d'une collaboration fructueuse et favorable à tous les deux.

Croisons les doigts !

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