Chapitre 69 IOVMEDR
Après la traversée de Douala, capitale économique du pays, vous arrivez à Yaoundé, capitale politique.
Robert, votre ami allemand qui partagea la traversée du désert avec vous, a profité de poursuivre sa route tandis que vous preniez du bon temps à Abidjan aux alentours de Noël. Il est donc déjà passé par là. Il vous a conseillé ce petit hôtel :
- Te connaissant, tu vas aimer le magasin de cigares au rez et celui de café en face. Il avait raison.
Yaoundé est une ville "relativement" chère. Relativement, car c'est surtout en rapport avec le service proposé. Il y a la rue, vraiment pas chère, et les restaurants, très chers. Entre ces deux offres, rien.
Vous passez donc d'une offre à l'autre durant votre semaine sur place.
Toujours dans l'état d'esprit que vous ne reviendrez certainement jamais sur cette côte ouest de l'Afrique, ou alors seulement dans un ou deux pays choisis, vous regrettez de ne pas passer par la Guinée Équatoriale et le Gabon. Tout le monde vous dit que c'est impossible, mais en Afrique, tout est possible, non ?
Vous décidez de tenter votre chance auprès de l'ambassade du Gabon, qui a l'air plus terrible que la Guinée Équatoriale. Si vous obtenez le précieux sésame, vous passerez dans la seconde ambassade ensuite. Vous avez le temps. Cela en vaut la peine. De ce que vous glanez comme renseignements sur les réseaux, l'ambassadeur du Gabon est très à cheval sur votre apparence. Il vous faut éviter les tongs et les shorts pour aller lui demander un visa.
Fort de ces renseignements, vous mettez vos plus beaux atours - un pantalon brun avec chemise blanche brodée et gilet d'explorateur assorti - il faut mettre les chances de votre côté.
Il vous en faut, d'ailleurs, de la chance, pour posséder ces habits dans votre malle d'explorateur africain en moto, mais voilà, vous possédez le goût des belles choses. Sans être un costard-cravate, c'est le genre d'atours qui permettent d'entrer partout au besoin...
...sauf au Gabon.
- Je ne désire pas vous parler. Vous avez un pantalon en velours, le velours, c'est pour les prolétaires et je ne parle pas aux prolétaires.
Vous êtes sur le pas de la porte de l'ambassade du Gabon, l'ambassadeur crie ces quelques mots par la porte vitrée de la terrasse, l'homme de la sécurité de la porte d'entrée vous tient le bras, vous empêchant d'avancer.
- Je suis désolé, Monsieur, il va falloir revenir mieux habillé.
Vous n'en croyez pas vos oreilles.
Vous prenez vos documents, vous rentrez à l'hôtel.
Il vous traverse l'esprit de tenter de trouver un beau pantalon au marché, mais vous décidez d'arrêter là les frais. Le Gabon n'est pas obligatoire, les visas coûtent cher et visiblement l'ambassadeur a un avis très tranché sur les blancs qui souhaitent visiter son pays.
Vous envoyez un message à un des légionnaires avec qui vous avez passé la soirée à Penja.
- Le nouveau président est un dictateur paranoïaque qui croit que chaque blanc qui fait une demande de visa est en fait un tueur à gages commandité par un pays occidental pour venir l'assassiner.
Vous avez bien fait de ne pas insister.
L'hôtel vous a conseillé un quartier magique de Yaoundé dans lequel vous allez perdre votre chagrin d'un instant : la briqueterie, en face du ministère du soja. C'est une sorte de Halles Bocuse lyonnais, mais en plein Yaoundé et avec des produits africains.
Toutes les tribus se sont données rendez-vous ici pour vous faire déguster leurs produits dans un marché en plein air gigantesque : une tente, un plat. À peine sorti du taxi qu'on vous harcèle déjà de mets et d'odeurs épicées à souhait.
Vous allez passer votre après-midi à déguster une bonne dizaine de plats, donnant à chaque fois l'équivalent de 1 EUR pour la portion qu'on vous tend. Vous y dégustez différentes manières de cuire le porc, le bœuf, le poulet, mais vous allez tomber littéralement amoureux d'une spécialité du nord du Cameroun, le kilichi, une viande séchée et pimentée qui vous fait penser à votre viande séchée du Valais, les piments en moins.
C'est aussi cela, l'Afrique, une déception matinale qui se transforme en orgie gastronomique l'après-midi !
En mai 2022, Jipé vous attrape alors que vous mangiez dans son restaurant. Il a une idée qu'il souhaite vous soumettre.
Dans son hôtel-restaurant, il a plusieurs activités, plusieurs espaces aussi et il vous explique qu'il souffre d'en avoir trop, de ces espaces. Il souhaite redynamiser son établissement en proposant une activité de divertissement moderne qui prendrait place dans le sous-sol de son établissement.
Vous prenez le temps d'y réfléchir, mais pour vous, c'est une très bonne nouvelle : vous avez déjà acheté un jeu à un partenaire norvégien qui pourrait convenir. Comme l'hôtel d'Abdel ne se fera certainement pas, ce jeu vous reste sur les bras et vous ne disposez pas vraiment d'espace à Sion pour le proposer. Ce type de jeu, vous en avez déjà installé un à Yverdon qui marche très bien.
Dans votre tête, tout va très vite. Vous pourriez installer votre jeu dans cet espace à Anzère, faisant de ce sous-sol une extension de votre Nautilus - le nom de votre espace de divertissement à Sion - comme parfois, lors de festivals, les activités prennent place dans plusieurs lieux d'une même ville.
De Anzère à Sion il y a une bonne trentaine de minutes par la route, vous approchez aussi vos activités d'une station de ski dont le public rime avec tourisme, un tourisme qui pourrait être amené à venir profiter de vos autres activités à Sion en cas de mauvais temps, par exemple.
De votre côté, vous possédez par contrat l'exclusivité de ce jeu en Suisse.
La magie opère, vous rappelez Jipé pour lui dire que vous avez une proposition qui semble satisfaire sa demande.
Vous vous retrouvez pour en parler fin juin.
Et maintenant ça suffit les arnaques, vous vous préparez, vous allez aller là-bas simplement, avec une proposition simple, avec un contrat simple, qui sera si simple que rien ne pourra vous arriver.
À l'armée, la simplicité est un facteur de réussite très important de n'importe quelle opération.