
Chapitre 60 IOVMEDR
Plus vous discutez avec Marius et ses compères, plus ce Nigeria, si terrible de loin, devient un pays que vous vous réjouissez de traverser.
C’est un peu comme lorsque vous avez mal au ventre et que vous allez chercher la “vérité” sur Doctissimo. Le truc à ne jamais faire, vous auriez l’impression qu’il ne vous reste plus que quelques jours à vivre ! Du côté des autres voyageurs que vous avez croisés et avec qui vous êtes en contact sur WhatsApp, ils se sont réunis en convoi pour faire la traversée. Vous irez probablement tous en direction de la piste à l’est, mais ils sont déjà partis. Vous auriez pu vous dépêcher un peu pour les accompagner mais votre visa du Cameroun n’est toujours pas arrivé et soyons clair, le Nigeria ne vous fait plus peur ! En fait, vous êtes de plus en plus persuadé que vous allez être étonné par ce pays, qu’une fois à l’intérieur, vous allez maudire le mal qu’on en a dit, parce que vous tomberez sûrement sur des gens extraordinaires qui ont été diabolisés par la presse occidentale. Oui, la peur s’estompe pour laisser place à de la curiosité d’abord et à de l’excitation ensuite. Le samedi, vous décidez de prendre la route, selon le programme prévu. Vous envoyez un gentil message à Marius et à son club de motard pour les remercier. Vous taillez la route.
Vous êtes dans Cotonou, zigzaguant entre les voitures lorsqu’un motard en GS vous dépasse. C’est Marius. Dès la réception de votre message, il a pris la route dans l’espoir de vous rattraper. Il se fait un devoir de vous accompagner jusqu’à la frontière. C’est merveilleux l’esprit motard.
Les formalités de la frontière passées, vous vous embrassez une dernière fois. Quelques photos et quelques promesses avant de traverser la zone franche.
Vous êtes seul, en pays orange.
Votre intuition est d’abord bonne. Le long de la route qui vous emmène à Lagos, des checkpoints tous les kilomètres. Plus d’une centaine, occupés par des militaires, des policiers, une sorte de milice locale, des civils armés… il est difficile de savoir à qui vous avez affaire, si ce sont des checkpoints officiels ou illicites, mais tout le monde est très gentil.
- Bienvenue au Nigeria papa !
L’ambiance est à la fête.
La première chose qui vous surprend, c’est la richesse du pays. Pour commencer, le prix de l’essence baisse de moitié. Là où dans presque toute l’Afrique de l’Ouest, il oscille autour des 1,20 EUR, au Nigeria vous ne payerez le litre que 0,60 EUR. Ensuite, les enseignes de restaurants rapides que vous connaissez se dressent à l’entrée de la ville : Burger King, KFC, etc. Enfin, presque partout vous pouvez payer par carte de crédit. Les routes sont agréables, avec des trous par-ci par-là, mais vous progressez rapidement. La traversée du Nigeria doit se faire prudemment. Si on analyse le risque, il faut éviter le nord à cause de l’extrémisme islamiste et de potentiels risques d’attentats terroristes. Par contre au sud, du côté de l’océan, il y a la concentration des travailleurs du pétrole et du port. Cette région est en main d’indépendantistes très violents qui tuent, massacrent et kidnappent régulièrement et en particulier des blancs. Leur but est de reprendre en main les extractions de pétrole en éloignant tous les blancs de ces affaires pétrolières Vous avez bien planifié votre itinéraire. Vous savez que le nord n’est pas un thème pour vous car vous n’irez jamais aussi haut dans le pays. Par contre pour le sud, il y a bien une centaine de kilomètres à parcourir en pleine zone rouge, mais si vous tracez votre chemin sans vous arrêter, vous diminuez drastiquement les risques que vous pourriez y rencontrer.
Votre première nuit à l’hôtel vous réinscrit dans une certaine Afrique : oui vous pouvez payer par carte, mais le terminal ne fonctionne pas; oui il y a une piscine, mais l’eau est verte et sale; oui il y a un restaurant, mais il ne font plus que du riz et du poulet.
Hormis cette plaisanterie d’initié, vous trouvez ces Nigérians très sympas, ouverts et curieux !
Demain tout devrait bien se passer, vous avalerez rapidement ces cent kilomètres délicats pour vous éloigner de l’épicentre du mal et rejoindre les montagnes. Vous reprenez une fois encore votre itinéraire. Vous tentez de trouver un bel hôtel, d’y choisir une route agréable à rouler pour vous y rendre, un établissement si possible avec wifi et restaurant.
Tout est prêt pour la deuxième étape !
Comme Abdel ne répond pas, vous envoyez la réquisition de faillite à l'État de Genève. Vous devenez fou. La semaine prochaine, vous devez vous rendre à Rome pour y présenter votre travail. Ce week-end qui s’annonçait radieux, vous le ferez sans le sou. Henigma vit toujours des étés difficiles et celui-ci s’annonce encore plus maussade que les précédents. Vous mettez votre deuxième moto en vente, vous retirez votre assurance-vie au plus mauvais moment et vous n’avez plus un rond. Il est temps d’aller chercher les fonds de tiroir pour survivre à l’été.
Une colère gronde dans votre tête.
Vous devenez fou !
Il n’est pas normal que dans notre monde, un contrat signé avec la mention “paiement à la signature” voit des procédures durer si longtemps pour récupérer un argent qui vous est dû !
L’expérience de Jicé vous revient en mémoire. Vous avez bien compris que la justice ne tente pas d’être juste. Vous avez cette impression qu’elle fait traîner les dossiers aussi longtemps que possible, parce qu’elle croit que plus c’est long, plus vous trouverez le moyen de vous arranger avec la partie adverse plutôt que de vous enliser dans un procès.
Et s’il était temps de mettre en œuvre vos leçons tirées des procès précédents ?
Y a-t-il un moyen d’accélérer cette procédure ?
Vous devenez fou !
Dans la soirée, vous publiez sur Linkedin un post qui révèle la situation d’Henigma, vous y annexez la réquisition de faillite et vous y taguez les personnes dont la société d’Abdel est en référence afin de les sensibiliser à la situation.
Quelqu’un va bien finir par vous venir en aide !