6. Apaiser vos enfants

6. Apaiser vos enfants

Vendredi, Novembre 8, 2024 [ROMAN]

Chapitre 6 IOVMEDR

Dans votre tête, ce fut rapidement une priorité.

Il est très important que les êtres les plus proches de vous ne pâtissent pas de votre départ.

Pour des enfants, un départ pour une durée indéterminée de leur père ne procure aucun plaisir, mais il faut devenir très cartésien quant on y réfléchit : ils sont grands maintenant. Votre aînée à 19 ans, le garçon 16 et la petite 14. C’est un âge où on comprend les choses, on peut même décider pour soi, voire dans le pire des cas, être tenu pour responsable.

Quand vous y réfléchissez, vous ne pouvez être tenu pour responsable que de vos décisions, pas des leurs. De toute manière, il y aura moyen de les contacter au fil de votre voyage, c’est certain. Il va falloir mettre en place une structure qui leur permettra de moins souffrir de votre absence.

Depuis que vous avez quitté la maison, vous les voyez de toute manière rarement. Il y a beaucoup de mensonges autour de votre départ, et votre maison étant installée au cœur de la belle-famille, vos beaux-parents ont tout le loisir de leur imposer leur point de vue.

Dans leur bouche, vous êtes leur “enfoiré de père”.

Dans ces moments-là, vous n’avez que deux solutions : faire semblant de n’avoir pas entendu ou vous battre. Mais même s’ils sont grands, ils savent que se battre contre des cons ne sert à rien. Alors ils tournent le regard. Ils poursuivent leurs activités.

Ce que des enfants ne savent pas, c’est que lorsque vous répétez une phrase mille fois, elle finit par insidieusement se glisser en vous. Si vous manquez de force, il est possible que dans un instant de faiblesse, vous finissiez par la croire.

Vous ne pouvez pas faire grand chose contre cela. Vous savez seulement que le temps vous donnera raison.

Pour quel motif vous avez quitté la maison familiale après plus de 28 ans ? Vous en consacrerez un chapitre plus tard, pour l’instant, il faut retenir que ce n’était ni une histoire de fesses ni un abandon, mais une question de survie.

En fait, avec cette protection que vous avez offerte à vos enfants, vous vous êtes retrouvé sans le sou, à la rue. Vous l’avez fait pour les protéger, eux.

Aujourd’hui, alors que plus de 18 mois sont passés, vous remarquez que vous voyez vos enfants de moins en moins souvent. Ils regrettent le confort de leur maison et vos rencontres sont de plus en plus superficielles. Vous ne supportez pas ce petit côté “papa séparé”.

Vous, vous rêviez de les accompagner dans la vie, de leur apprendre toute sorte de choses, de vivre un peu par procuration leur adolescence.

Mais ce que vous voyez dans leurs yeux vous fait un peu honte : ils ont quelque peu pitié de vous, vous êtes une sorte de looser qui les a abandonnés.

Vous devriez passer ces derniers mois à défendre votre cause, à leur expliquer, à dénigrer l’autre; mais vous n’êtes pas comme ça !

Vous avez bien trop confiance en eux, en leur intelligence, pour tenter de les convaincre de quoi que ce soit. Les méthodes de leur mère ne tiendra pas la distance et le temps leur donnera non seulement toutes les explications dont ils ont besoin, mais aussi toutes les réponses à des questions qu’ils ne se posent pas encore.

En effet, un papa qui vit dans la rue, sans un sou, c’est pas folichon comme image paternelle.

Vous n’avez ni la force, ni le courage d’attendre que le temps fasse son ouvrage. Plus il passera et plus vous ressemblerez à ces clochards des rues. Putain de temps !

La solution, c’est encore une fois votre voyage. Comme quoi les étoiles sont réellement en train de s’aligner. En partant découvrir l’Afrique, vous devenez un aventurier à leurs yeux, du papa SDF, vous vous transformez soudain en explorateur digne d’Indiana Jones : 20 pays, dont 2 en guerre ! Quelle aventure !

Vous adorez ce sentiment d’exister dans leurs yeux, et comme vous vous l’êtes bien expliqué au chapitre précédent, vous ferez votre voyage à un budget modeste.

Avec 700 CHF / mois, vous êtes un SDF en Suisse, mais un aventurier-explorateur en Afrique.

Apaiser vos enfants, c’est leur donner des images positives, un exemple à suivre, tenter de leur faire comprendre que même lorsque tout semble sur le point de s’effondrer, on peut toujours trouver une bonne raison d’avancer, de se battre et d’être heureux.

Vous les verrez moins, c’est certain, mais ils sauront à la fois ce qu’ils ont perdu, et quel papa ils ont. Il faut toutefois vous assurer que vous serez toujours atteignable pour eux. Ce roman, que vous êtes en train d’écrire, leur donnera une partie de la solution de l’énigme qui les anime. Les vidéos, même si elles sont parfois dures, les rappellera à votre bon souvenir.

Enfin, et c’est un moyen à double tranchant, vous décidez de vous munir de ce GPS satellite qui indiquera en temps réel votre position durant le voyage. Il leur suffira de se connecter à internet pour connaître votre position. Ils vivront votre voyage avec vous. Ce moyen vous permettra aussi d’échanger avec eux jusqu’à 10 SMS par jour, de courts messages mais qui ont leur importance. Si vous vous retrouvez 3 jours coincés dans le désert, pour eux en Suisse, ce ne sera qu’un point qui a cessé de bouger. Il est important que vous puissiez leur expliquer que tout va bien, que vous êtes en bivouac, que vous attendez quelque chose ou quelqu’un.

Il y aura bien des endroits où vous trouverez du réseau pour leur parler au téléphone, via une application web. Cela fait de toute manière partie de votre plan, puisque vous prévoyez de publier régulièrement vos textes et vidéos tout au long de votre route.

Et puis il y a votre pilier, votre muse, votre force qui vous suivra presque en direct tout au long de votre périple, Charlotte, que vos enfants savent où trouver. Elle vous a promis de prendre soin d’eux.

C’est terrifiant d’annoncer à ses enfants qu’on part en Afrique sans limite de temps. Il est très important qu’ils vous comprennent, qu’ils comprennent pourquoi et surtout comment vous resterez en contact.

Vous décidez de ne pas leur annoncer votre idée tout de suite. En juin, ce sera bien. Déjà parce qu’il faut être sûr avant de faire de telles annonces. Et ensuite car il faut le temps de l’annonce, le temps de la digérer et le temps de profiter des derniers moments.

Encore ce temps !

Comme ils vont vous manquer !

Une des peurs qui vous hante, c’est ce mot d’amour qui vous fera douter, qui vous fera rester. Car ne pas partir, c’est dépérir.

Vous avez besoin de ce voyage pour vous retaper, comme une femme enlaidie qui se cache le temps de sa rémission. Vous faites votre coquet. Vous ne souhaitez pas que les gens qui vous aiment ne vous voient trop longtemps dans cet état.

Partir, se soigner, apprendre à revivre, puis vivre et alors seulement revenir.

Un plan simple !

Il va falloir bien leur expliquer. Vous partez parce que vous les aimez.

Ils vous laisseront partir parce qu’ils vous aiment !

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