
Chapitre 54 IOVMEDR
Cet endroit, encore une fois, est magnifique.
Depuis votre chambre, la vue sur le cratère est incroyable. Ce lac est immense, la végétation dense. Les chevaux, qui paissent dans les pâturages alentour, sont apaisants. Vous avez envie de rester plusieurs nuits ici. Il manque hélas un wifi, c’est tout et il vous faut vous mettre au travail.
Vous prenez le repas avec la propriétaire des lieux. Elle est venue s’installer au Ghana il y a presque vingt ans pour y élever des chevaux. Elle a épousé un homme d’ici avec qui elle élève son enfant.
Vous échangez sur le voyage, l’Afrique, le Ghana en particulier. Soudain, elle vous explique le déclencheur de son départ d’Europe. Elle venait régulièrement, alors âgée de vingt ans, voir celle qu’elle considérait comme sa maman de cœur. Une femme valaisanne qui, à à peine quarante ans, s’est battue contre une maladie orpheline dévastatrice, la sclérose latérale amyotrophique, appelée plus communément la maladie du docteur Charcot.
Cette maladie, vous la connaissez bien, puisqu’elle est responsable d’avoir terrassé votre maman qui mourra à 48 ans. Vous l’appelez la sclérose de maman !
C’est affreux d’entendre cette femme vous parler de la fin de vie de son amie. Vous y ressentez tout ce que vous avez caché au plus profond de vous pour ne plus y penser. Il ne s’agit pas ici de vous remémorez les phases de cette terrible maladie. C’est comme si le destin avait placé devant vous ce rappel qui fut aussi un déclencheur de votre départ.
Vous vous souvenez de votre grand-papa qui vous a quitté à presque 50 ans, votre maman à 48, et d’autres encore.
L’écouter vous raconter cela fait remonter en vous une multitude de pensées contradictoires ! Dire que cette personne dont on vous parle vivait à quelques 10 kilomètres de chez vous, au même moment, avec la même maladie qu’elle tenta de combattre que vous auprès de votre maman.
Enfin, combattre, vous vous souvenez que c’est plus un accompagnement psychologique que d’une véritable guerre médicale.
Vous passez une nuit agitée. Il n’est jamais bon de réveiller ses démons. Cela fait maintenant presque quinze ans que maman s’en est allée, mais la blessure est toujours vive quand vous y pensez. Surtout que vous venez de dépasser l’âge qu’elle avait lorsqu’elle est partie et que vous comprenez encore mieux aujourd’hui ce que signifie de se voir mourir avant 50 ans.
Vous vous réveillez fatigué, mais serein.
Vous ne resterez pas une nuit de plus dans cet endroit. Il est magnifique, mais l’épreuve de la discussion de la veille est encore très présente. Vous n’irez pas non plus à Kumasi. Des marchés, vous en traversez tous les jours. Le plus grand d’Afrique doit ressembler à tous les autres… en plus grand.
Non, vous avez besoin de rouler et de mettre des kilomètres entre vos souvenirs et vous, même si vous remerciez le ciel d’avoir mis cette dame sur votre route pour repenser le passé, comme un examen de conscience, comme pour vous dire : “voilà, il faut lâcher maintenant, c’est un souvenir, juste un peu de passé malheureux”.
Vous chevauchez votre moto pour reprendre la route du sud. Vous planifiez de passer au sud de la Volga, une étendue d’eau conséquente au milieu d’une forêt de palmier. Puis ensuite Accra, la capitale.
Le 23 décembre, vous enchantez de votre projet les yeux de la directrice.
Elle est partante.
Vous êtes content.
Néanmoins, vous exigez une condition, une seule, c’est de pouvoir faire rédiger le contrat vous-même par des avocats que vous choisirez afin de vous assurer que ce projet ne sera pas comme les précédents. Elle comprend.
Elle vous invite pour souper, entre Noël et Nouvel-An, dans son chalet, afin de consolider des liens déjà très forts. Vous profiterez du repas pour échanger, pour partager votre vision de l’avenir. On ne vous y reprendra plus, de ces contrats en tenaille, vous souhaitez juste inscrire le tout dans le marbre pour que tout soit aussi clair que possible et qu’il n’y ait pas d’attentes injustifiées ni de surprises inattendues.
Abdel, que vous n’avez jamais rencontré, vous fait passer le message qu’il se réjouit de travailler avec vous, qu’il est heureux que vous ayez accepté et que vous lui enlevez une épine du pied. Il attend le contrat avec impatience.
Vous profiterez du mois de janvier pour établir des contrats avec vos partenaires, pour valider le contrat entre Abdel et vous et pour participer aux séances de chantier de la construction de l’hôtel afin de vous prémunir de toute surprise et, le cas échéant, d’influencer la construction en cours afin d’en optimiser le processus.
Le 21 février 2022, le contrat est prêt, il est validé par vos avocats, par Abdel et par Henigma.
Vous le signez dans la foulée !
Abdel vous le retourne par mail, signé !