53. Délit de fuite au Ghana !

53. Délit de fuite au Ghana !

Mercredi, Mars 12, 2025 [ROMAN]

Chapitre 53 IOVMEDR

Cela vous peine de laisser cet endroit magique derrière vous, mais vous avez eu une bonne idée à Abidjan !

Lorsque vous faisiez les visas du Togo et du Bénin, le système sur internet vous demandait une date d’entrée dans le pays. Partant du principe qu’il est plus facile d’attendre que de se dépêcher, vous avez opté pour chaque lundi, vous imposant de rester une semaine dans chaque pays, Ghana inclus. Abidjan - Cotonou, c’est 870 kilomètres, soit l’équivalent de deux jours de moto, voire trois. Vous vous êtes imposé ce rythme car depuis le départ de Charlotte, vous avez envie de prendre votre temps.

Fini les traversées en fuite, comme la Mauritanie ou la Gambie. Vous avez envie de ressentir le pays, de le visiter, de vous forcer à prendre ce temps auquel vous avez décidé de faire la nique.

C’est ainsi que ce matin, au lieu de prendre la route principale en direction d’Accra, vous optez plutôt pour le nord. Vous traverserez une forêt qui est aussi un parc national, pour arriver à Kumasi, au centre du Ghana, où vous prévoyez de visiter le plus grand marché africain.

De plus, on vous a parlé d’un cratère de météorite rempli d’eau, un lac magnifique qui est aussi le lieu où s’est installée une française qui est presque une voisine. Vous vous réjouissez de la rencontrer.

Vous roulez à un bon rythme lorsque vous débouchez sur une petite ville. Vous traversez des rues en terre, remplie de stands d’un marché éphémère qui empiètent sur la route. Parvenu à une intersection, vous tournez à gauche comme indiqué sur votre GPS.

Vous avez parcouru une dizaine de mètres avant de vous rendre compte que vous êtes sur une sorte d’autoroute, deux voies d’un côté, deux voies de l’autre, séparées au milieu par des murs de béton. Hélas, vous êtes à contre-sens.

Vous vous arrêtez immédiatement dans le but de faire demi-tour lorsque vous sentez une main sur votre épaule :

- Eh toi le blanc, suis-moi, je t’emmène au poste, on ne roule pas comme ça ici !

L’homme qui vous a interpellé est en uniforme, mais pas celui de la police.

- Je suis désolé monsieur, je fais demi-tour, il n’y avait aucun panneau, je n’ai pas vu…

- Oui, c’est bien le problème, vous méritez d’être amendé, ce n’est pas des manières de rouler, le blanc !

Vous cherchez rapidement d’un coup d’œil une arme ou un insigne.

Vous regardez autour de vous. C’est la cacophonie des véhicules, tous à contre-sens, sans casque en deux roues ou dans des voitures détruites.

Vous vous sentez pris au piège !

- Tu es policier ?

- Non, c’est pour cela que je t’emmène au poste !

Vous le regardez, il était en train d’arrêter un homme en motocyclette lorsque vous sembliez plus intéressant pour son profit.

Vous lui répétez :

- Tu es policier ?

Il sourit :

- Non, je te l’ai dit…

Il n’a pas le temps de finir sa phrase que vous tournez la poignée de gaz. Vous aviez mis la moto dans le bon sens en discutant ce qui vous permet d’accélérer, mais pas assez car la route est inondée de monde.

Dans votre rétroviseur, vous lisez la surprise sur le visage de l’homme en uniforme qui ne s’attendait pas à votre fuite. Vous restez concentré, vous cherchez le moyen de passer de l’autre côté de cette pseudo-autoroute quand vous apercevez devant vous un passage laissé entre les blocs de béton pour les piétons qui traversent.

Sans hésiter, vous manœuvrez pour tourner. Une fois sur l’autre voie, vous sentez la main de l’homme en uniforme qui vous agrippe. Il avait immédiatement demandé au jeune homme en moto de vous poursuivre. Lorsqu’il a compris votre manœuvre, il s’est jeté sur vous pour vous arrêter, plongeant dans cette nuée de passants.

Vous êtes plus rapide.

Un coup d’accélérateur et sa silhouette devient toute petite dans votre rétroviseur. Vous le voyez tenter la même rocade que vous. Vous sortez non sans mal de ce chaos, vous vous retrouvez sur la route de Kumasi, belle, droite, vous accélérez encore.

Durant les minutes qui suivent, votre cœur bat la chamade. Vous ne savez pas vraiment si c’est un délit de fuite, mais vous trouvez la situation suffisamment incorrecte pour que votre sentiment d’injustice se trouve asphyxié par votre besoin de vivre.

Vous risquiez quoi ? 40 EUR d’amende ? C’est surtout de passer la journée au poste qui vous a motivé. Et il vous l’a répété deux fois : il n’est pas policier !

Devant vous, un premier barrage de police. Vos années dans l’armée vous ont appris que les policiers parlent entre eux, ils sont en contact radio. Vous ne vous échapperez pas. Pourtant, quelques rires avec les policiers, ils vous laissent passer… Une première fois… Puis quelques kilomètres plus loin, une seconde fois, puis une troisième, une quatrième…

À chaque check-point, vous comprenez que personne n’est au courant de la situation. En fin de journée, vous avez mis entre cet uniforme et vous plus de 180 kilomètres. À l'échelle de la Suisse, c’est comme si un gars qui avait fait un délit de fuite à Sion se retrouvait à Genève.

Vous ne devriez plus être inquiété.

Surtout que soyons honnête, vous n’êtes pas le plus grand des truands du Ghana en ce moment. Votre cœur s’apaise. Il est temps de ressentir de la honte. Une telle honte que vous n’osez en parler à personne.

Au loin, après une vingtaine de kilomètres de piste en terre, vous distinguez ce fameux lac, avec au-dessus de lui, planté dans des collines verdoyantes, le refuge de cette française qui élève depuis presque vingt ans des chevaux dans la région.

Malgré votre refus de prendre ce mandat genevois, la directrice est convaincante. Après avoir entendu vos arguments, elle prend le temps de réfléchir, puis elle vous dit très simplement :

- Écoute Pierre-Yves, notre rêve à nous, c’est d’en faire un hôtel dédié au team-building. Un espace où les PME de Suisse pourraient venir passer du bon temps. Nous sommes leaders en matière de restauration et d’hôtellerie, mais le divertissement et le team-buidling sont des domaines qu’on maîtrise mal. On souhaiterait t’engager non pas seulement pour créer un Prison Island dans l’hôtel, mais ce qui nous intéresserait vraiment, c’est que tu y crées un espace de divertissement avec différentes activités pour tout l’hôtel. Tu serais le seul maître à bord. À toi de nous convaincre, on te propose pour cela 375’000 CHF et 1500 m2 ! La bombe est lâchée. Nous sommes le 16 décembre 2021. On ne vous propose pas seulement un mandat, mais un avenir. Des idées, vous avez plein. Cet argent serait non seulement la garantie d’ouvrir un troisième site, mais surtout d’accélérer votre activité.

- Écoute, laisse-moi une petite semaine pour te préparer un dossier. Je veux savoir si c’est faisable et ce que je peux te proposer pour cette somme d’argent. Ensuite vous déciderez.

Vous validerez donc le projet le 23 décembre prochain à 13 heures.

Dans l’intervalle, vous passerez une semaine à créer des tableaux Excel et à contacter vos partenaires pour évaluer les chances de réussir ce mandat. Vous devez non seulement vous assurer d’un investissement raisonnable, mais surtout d’en faire une étude de marché pour vous garantir que le projet sera pérenne.

Une semaine plus tard, quelques nuits blanches et quelques promesses, vous vous présentez avec un business plan d’une trentaine de pages, un tableur Excel très complexe et un Powerpoint simple qui explique le tout !

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