52. Fondue, petite Madeleine de Proust

52. Fondue, petite Madeleine de Proust

Dimanche, Mars 9, 2025 [ROMAN]

Chapitre 52 IOVMEDR

En fin d’après-midi, vous arrivez au spot que vous vous étiez choisi pour cette première nuit au Ghana. Vous êtes reçu par Paul, un local qui possède ce petit bout de plage qu’il met volontiers à disposition gratuitement pour autant que vous mangiez dans son restaurant une fois par jour.

Vous déposez votre tente à la hauteur de la marée montante.

C’est paradisiaque !

Cette plage est digne des cartes postales. Paul y a créé un petit bar sur la plage où il vous fait découvrir les mets du coin. Il a posé quelques meubles épars le long de la rive ce qui en fait un restaurant atypique. Vous prenez le temps de travailler, ordinateur sur planche de bois avec pour seul “mur d’en face” l’horizon. Une bière à la main, vous partagez votre temps entre discussion avec Paul, écriture et repos.

Vous êtes merveilleusement bien ici.

Paul interpelle un homme en pirogue qui vient boire une bière. C’est un pêcheur. Vous lui achetez un barracuda que Paul cuisinera ce soir.

Le deuxième jour, à midi, vous décidez de tenir cette promesse qui vient d’une attention que Charlotte vous a apporté pour Noël : une fondue au fromage de chez vous.

Pendant que vous préparez la cuisinière, une noix de coco tombe d’un arbre juste à côté de votre tente. Vous décidez d’en faire votre apéro. Armé de votre couteau de survie, vous la préparez pour la boire. Vous en dégusterez les morceaux comme dessert, après le fromage.

Cette fondue a un goût d’éternité. Les papilles reprennent goût à la vie. Cette fondue, c’est votre Madeleine de Proust à vous. La vie est magique.

Vous passez l’après-midi à observer l’océan ! Le flux et le reflux vous bercent !

En 2021 vous ouvrez Yverdon avec les déboires que l’on connaît maintenant, mais en octobre, alors que vous êtes en plein combat dans le canton de Vaud, la vie va vous mettre une fois encore à l’épreuve, mais on ne vous y reprendra plus.

Une femme va vous contacter pour que vous créiez pour elle un centre de divertissement dans l’hôtel qu’elle est en train de construire dans une commune aux abords du canton de Genève. Elle vous contacte car elle travaille pour un riche et célèbre entrepreneur genevois dont la réputation n’est plus à faire, Abdel.

Au début, les rapports sont formels mais sympathiques. Vous vous entretenez plusieurs fois avec elle, vous définissez les objectifs du projet, ses limites droites et gauches, ainsi que le prix du tout. Dans votre tête, il y a cette impression qu’enfin la vie vous sourit. Vous savez, selon votre rythme de croissance, que le premier centre, Sion, sera toujours déficitaire; que le second, Yverdon, devrait pouvoir, par ses résultats, permettre de faire évoluer la société avec un résultat proche de zéro, mais que c’est un troisième centre qui permettra d’asseoir votre succès année après année ! Et ce troisième centre, on vous l’offre sur un plateau, avec un entrepreneur solide et un de votre côté, savoir-faire que vous n’avez plus à démontrer.

D’un autre côté, vous êtes aussi conscient que cela fait maintenant deux fois que vous vous associez avec des truands et que vous êtes échaudés. Une troisième fois vous tuerait sans doute, vous redoutez un nouveau partenariat.

Le projet est assez facile à réaliser puisqu’il s’agit seulement de créer un nouveau Prison Island au sous-sol de l’hôtel avec une réception d’une centaine de mètres carrés au rez-de-chaussée pour l’accueil. C’est simple. Le magnat est prêt à financer la partie Prison Island, un peu à l’image de ce qui a déjà été fait à Sion. Cet hôtel, l’idée est bonne, est un hôtel dont la destinée est d’offrir aux entreprises de la région un lieu de rencontre, de conférences, de “sorties d’entreprises” qui couvrirait l’aspect professionnel mais aussi de divertissement. Vous serez, avec votre entreprise, une partie essentielle de ce divertissement.

Vous y avez beaucoup réfléchi, débattu avec vos équipes, vous avez aussi appris à suivre vos intuitions.

Comme au Libéria quand vous êtes tombé à moto à pleine vitesse, il y a dans la vie des moments où on doit foncer et d’autres où on doit prendre le temps, se recentrer, se préparer.

Vous avez envie de trouver un financement seul, sans devoir rien à personne si ce n’est à vous. Vous savez que si tout se redresse, vous pourriez réunir la somme nécessaire en cinq, six ans ? Mais cela en vaut la peine. D’autant plus que vous vous êtes beaucoup remis en question sur les deux premiers échecs, car il est facile de dire que c’étaient deux truands, mais comment n’avez-vous pas pu sentir arriver la misère, comme votre intuition a-t-elle simplement ignoré tous les signes alarmants qui se présentaient à vous? Vous regrettez la pensée qui vous vient, mais le premier était belge, le second était arménien et Abdel aujourd’hui est libanais. Vous aimez découvrir d’autres manières de penser, aussi dans le monde professionnel, mais une petite voix dans votre tête vous suggère que le problème est peut-être là : vous ne savez pas traiter avec des gens de culture étrangère. Vous avez déjà du mal avec les Suisses, alors peut-être, les manières qu’ont ces personnes de faire des affaires mettent à mal votre capacité à juger et à sentir le business ?

On parle de 250’000 CHF apporté par Abdel, un troisième centre facile à réaliser, mais d’un mauvais moment, avec un CEO échaudé et une peur viscérale alors que le COVID laisse enfin la place à une nouvelle croissance.

Cette décision est très difficile à prendre.

Après deux mois d’âpres négociations, vous décidez de renoncer à ce mandat.

Vous ne créerez pas ce troisième centre avec Abdel.

C’est décidé !

Le 16 décembre 2021, la directrice d’Abdel avec qui vous traitez exige une explication entre quatre yeux. Elle vous convoque à un entretien vidéo pour en parler.

Vous lui devez bien ça !

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