50. Jicé le coupe-jarret

50. Jicé le coupe-jarret

Mercredi, Mars 5, 2025 [ROMAN]

Chapitre 50 IOVMEDR

Il y avait d’autres rimes en /é/, mais vous n’avez pas osé.

Durant trois ans, Jicé tournera votre nom en bourrique. Il expliquera à qui veut l’entendre que vous êtes un sale type. Il vous décrira en faillite, agent secret, à la solde du gouvernement, recherché par Interpol. Il multipliera les actions judiciaires pour vous expulser du bâtiment, tenter de voler ce que vous avez construit ou tout au moins le détruire.

Jicé n’a aucune compétence. Tout ce qu’il touche fait faillite, mais il est l’époux d’une femme fortunée qui allonge les billets lorsqu’il en a besoin.

Ce n’est pas votre cas.

De votre côté, toujours acquis au fait que la justice fait/fera son travail, vous avez confiance, vous attendez sagement. Il est essentiel de vous concentrer sur votre métier, de continuer à créer et de divertir les gens. Vous n’avez pas le temps de vous préoccuper du grand jeu du dénigrement et de la mauvaise foi.

Vous avez immédiatement engagé votre protection juridique dans la bataille. On vous a commis des avocats en qui vous placez toute votre confiance, mais ils sont jeunes, plein d’illusions et passent leur temps à vous expliquer ce qu’ils auraient fait à votre place, plutôt que de défendre vos intérêts sans se poser de questions. C’est votre leçon, “Jicé”. Quand vous êtes un truand, vous trouvez toujours assez d’argent pour payer les avocats les plus véreux qui, sans se poser de questions, vont défendre votre couardise à coup de mauvaise foi et de lacunes juridiques et procédurales. Ces avocats-là sont souvent attirés bien plus par l’argent que par la justice et ils utilisent le droit pour multiplier les heures qu’ils mettront à disposition de leur client pour augmenter leur porte-monnaie. La vie est trop courte, à quoi ça sert de rendre la justice ?

Ils ont étudié le droit, pas la justice.

Lorsqu’au début 2024, la juge chargée du dossier était en passe de finaliser son jugement. Vous vous êtes présenté au procès confiant, mais fatigué. Heureux de terminer enfin cette histoire, mais épuisé moralement.

La juge, plutôt que de rendre son jugement, a tenté de vous concilier une dernière fois. Elle vous a expliqué à tous les deux que le jugement pourrait prendre du temps, qu’il y avait aussi la possibilité pour chacun de vous de faire recours encore plusieurs fois puisque nous étions à la conclusion d’un jugement en premier instance, que la procédure pourrait encore s’étaler sur plus de sept ou huit ans dans le meilleur des cas.

Vous avez lâché du lest. Vous souhaitiez seulement une chose : que tout s’arrête. Soyons très clair, entre les dommages causés parce que le bâtiment n’était pas prêt à la date promise, les dommages des paiements que vous avez dû faire deux fois à cause de l’ouverture retardée, les contrats que Jicé vous a volé, les frais de justice, le manque à gagner des aides COVID qui ne sont jamais arrivées “puisque vous n’étiez pas ouvert au moment des faits”, le manque à gagner des clients que Jicé a trompé, renvoyé, manipulé et dénigré. Sans compter la déchéance de votre image qui n’est, en Suisse, pas facile à prouver, vous estimez que le montant raisonnable du dommage s’élève à plus d’une centaine de milliers de francs.

Bien sûr, les gens dans votre situation disent tous cela, ils gonflent les chiffres pour obtenir un peu de pitié et à la fin plus d’argent, mais ce n’est pas le chiffre que vous donnez ici ! Dans ces lignes, vous avez calculé le montant minimum du dommage avéré que vous pouvez prouver très clairement. Ce montant minimum atteste d’un dommage de 250’000 CHF environ.

Vous êtes bien conscient de tout cela lorsque vous vous présentez au tribunal en ce jour de votre anniversaire, le 7 mars 2024. Mais vous n’en pouvez plus. Il faut que cela s’arrête. Vous remerciez en silence la juge qui tente de vous concilier et vous négociez pour un arrêt immédiat des hostilités.

La mauvaise foi de Jicé est telle qu’il en vient à commencer par dire que vous lui devez une énorme somme d’argent, faisant fi des contrats et des promesses écrites. Mais vous tentez de convaincre le parterre devant vous et vous estimez que si Jicé vous verse 70’000 CHF des 250’000 CHF dus, vous acceptez que tout s’arrête.

La salle est d’accord.

Jicé tente une dernière fois un salto arrière intellectuel mais sans succès. Il est 16h, cela fait maintenant plus de 8 heures que vous négociez. Vous êtes bien conscient d’avoir baissé votre pantalon, mais vous vous dites que votre paix morale et intérieure valent aujourd’hui plus que l’argent qu’il ne vous versera pas.

La juge rédige l’accord. Elle le relit à l’assemblée. Tout le monde confirme oralement ce qui est écrit. La juge signe le document en trois exemplaires. Le greffier vous apporte les documents que vous signez à votre tour. Il porte enfin les exemplaires à Jicé qui pose la pointe du stylo sur la feuille.

Il regarde la juge.

Il vous regarde.

Il déchire les documents :

- Non, c’est trop, je ne payerai jamais !

La juge vous expliquera qu’elle va donc devoir juger, que c’est dommage, que malheureusement tout cela prendra du temps !

Et elle a raison !

Le 30 juin vous recevez le jugement, seulement ses conclusions : Jicé doit payer 70’000 CHF à HENIGMA SA. Vous avez 30 jours pour faire recours ou pour en demander les arguments (puisque vous n’avez là que les conclusions). Après lecture des arguments, vous disposerez donc une nouvelle fois de 30 jours pour faire recours.

Vous regardez le soleil de Yaoundé se coucher en buvant une bière du coin.

Nous sommes le 15 février 2025.

Vous n’avez toujours pas reçu les arguments de la juge.

Cela fera bientôt une année que cette dernière séance au tribunal aura eu lieu.

En y repensant, vous voyez bien toute la faiblesse intellectuelle de la juge qui, plutôt que d’émettre un jugement de droit, aura préféré mettre en jugement l’accord que vous aviez accepté au détriment d’une objective justice. Juge de première instance, en cas de recours, son jugement sera décortiqué par les avocats et juges du pays. Elle a préféré diminuer le risque d’un recours en jugeant subjectivement. Elle a dû se dire que cette conciliation juste manquée satisferait pour sûr les deux parties.

Elle s’est trompée !

La démocratie se base sur la séparation de trois pouvoirs !

La justice vous dégoûte !

Ce n’est malheureusement que le préquel de votre pire expérience juridique, car celle qui va vous occuper avec Abdel finira de vous achever, mais cela, c’est la prochaine histoire sur laquelle vous allez vous pencher.

Fin de Immersion (partie IV)

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