
Chapitre 49 IOVMEDR
En revenant de San Pedro, vous vous êtes arrêté sur la presqu’île de Jacqueville pour passer une dernière nuit sous tente. Vous aviez pris de quoi faire le repas du soir. Juste avant d’arriver à cet endroit de repos, vous êtes tombé sur un restaurant qui avait l’air sympa, à quelques deux kilomètres du camping. Vous décidez de vous restaurer. Un repas africain fait de poulet, d’alloco et d’attiéké, le manioc façon Côte d’Ivoire.
Un homme s’arrête devant votre moto, lui aussi sur une petite moto locale. Les Africains ont pris l’habitude de beaucoup se déplacer sur des petites motos de 200-250 cm3. Des motos relativement lentes, mais solides, qui leur permettent de se déplacer, mais aussi de déplacer les autres puisque moyennant une petite pièce, un pilote se transforme en moto-taxi, prenant derrière lui jusqu’à trois personnes pour les mener à la destination souhaitée. Ce moyen de transport est rapide, mais pas suffisamment pour exiger des passagers un équipement particulier et c’est donc en claquettes t-shirt que les locaux pratiquent votre passion. Cet homme reste à côté de votre moto. Le temps de manger, il regardera Lily durant presque une heure.
Lorsque vous vous approchez, gêné, il vous interpelle :
- Bonjour, je m’appelle Karim, je suis moi-même fan de moto et je serai très honoré de pouvoir partager une discussion avec vous.
- Pas de souci, Karim, enchanté, moi c’est Pierre-Yves. Ce que je te propose: amène-moi jusqu’à mon camping et on s’installe pour boire une bière ou un coca tous les deux ?
En discutant rapidement, Karim vous explique qu’il connaît un endroit magique où vous pourrez poser votre tente à une dizaine de minutes d’ici. Vous vous décidez donc à le suivre jusqu’à un camping en effet majestueux où un paon vous accueille en faisant la roue.
Karim est touchant. Vous discuterez durant une bonne heure avant qu’il aille rejoindre les siens. Pendant que vous lui expliquiez votre voyage, il avait des étoiles dans les yeux. Il vous propose de passer prendre le repas de midi chez lui, le lendemain, à l’heure de partir, mais si vous déclinez le repas, vous lui promettez de passer saluer ses enfants.
Vous n’aimez pas ce genre de chose, vous n’êtes pas une attraction. Vous vous souvenez toutefois que pour dix, peut-être quinze minutes de votre temps, vous allez rendre cette famille heureuse, alors vous acceptez.
Un proverbe africain dit que si la Suisse possède la montre, l’Afrique a le temps.
Il est temps pour vous de devenir africain.
Souvenez-vous : vous êtes sur ce continent pour faire la nique au temps ! Alors prenez-le !
Votre mois de décembre aura été intense. Vous aurez parcouru la Côte d’Ivoire de long en large, profitant de faire des rencontres étonnantes. Des Suisses en road-trip, des Suisses de Côte d’Ivoire, un ambassadeur motard ou Badro Escobar !
Ce fut aussi l’occasion, pour la première fois dans ce voyage, de faire venir un peu de Suisse à vous. Charlotte vous a rejoint pour les fêtes de fin d’année. Vous avez pris le temps de vous retrouver, de vous ré-apprivoiser et de parler un peu de vos entreprises.
Il est essentiel de partager, de voir dans ses yeux que vous n’êtes pas fou, que vos enseignements, bien que très subjectifs, sont le fruit d’une réflexion. Vous profitez de lui montrer des endroits magiques, des décors de cartes postales, de lui présenter l’Afrique en matière culinaire, de danse ou sur les routes.
Vous créerez une parenthèse enchantée au milieu de ce voyage d’une vie, afin de renouer avec ce que vous êtes.
Il est essentiel dans un voyage comme celui-ci de ne jamais couper complètement avec ceux qui sont restés, ceux qui vous attendent ou ceux qui vous suivent sur les réseaux. Bien sûr, vous souhaiteriez couper durant un mois au moins, ne plus les entendre, ne plus leur parler, mettre le plus de distance, le plus de silence entre votre vie d’avant et celle que vous êtes en train de mener. Et même si parfois, la pression remonte et vous fait pâlir, vous savez qu’il est très important pour votre équilibre de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Car un jour vous allez rentrer, n’est-ce pas ?
Ceux qui seront là, ce seront eux votre point d’ancrage, votre équilibre, votre futur.
Alors vous en profitez, avec Charlotte, votre directrice, votre amoureuse, votre soutien, de vous perdre dans le bonheur de l’Afrique de l’Ouest.
Vous profitez d’aller lui présenter le Père Noël, ce gars que vous aviez amené aux enfants à l’ambassade de Suisse . Il se trouve qu’il possède un bar à quelques mètres seulement de votre hôtel. Son épouse africaine fait à manger divinement bien et vous passerez plusieurs repas à échanger, boire des cocktails et manger. Vous vous rendrez évidemment plusieurs fois à Badro Beach pour profiter ensemble de l'aura de cet endroit paradisiaque.
Vous irez aussi tester d’autres cuisines: libanaises, italiennes, mais surtout et encore africaines !
Les européens ont l’image d’une Afrique qui meurt de faim, avec des enfants au ventre rebondi et des assiettes propres d’avoir été léchées tandis que la viande se fait harceler par des mouches en appétit !
Il n’en est rien. La cuisine africaine est opulente, généreuse et savoureuse. Elle se construit autour d’une protéine, souvent du poisson ou de la volaille, mais on peut y trouver aussi de l’agoutis (une sorte de rat), des escargots (dix fois plus gros qu’en Bourgogne, servis par 4), du mouton, de la viande de brousse ou du singe. En accompagnement, on vous proposera du manioc sous différentes formes (il y en a plus d’une dizaine) et souvent de l’alloco (cette banane plantain au goût caramélisé). On vous proposera sinon de la pomme de terre ou de l’igname.
Cette cuisine est riche en particuliers par ses sauces qui changent sous chaque toque l’empreinte gustative du plat, ainsi vous pouvez manger tous les repas du poulet et du manioc qui, cuisinés différemment, avec une sauce particulière, avec une manière unique de préparer le manioc vous donnera à chaque repas l’impression que votre plat d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui d’hier.
Charlotte va reprendre la direction de la Suisse tandis que vous pensez déjà au Ghana.
Il est temps de reprendre votre voyage, les yeux emplis des souvenirs de cette parenthèse enchantée.