44. Problème avec interpol

44. Problème avec interpol

Mercredi, Février 19, 2025 [ROMAN]

Chapitre 44 IOVMEDR

Il est temps de vous poser.

Poser la moto, ne rien faire, mettre de l’ordre dans vos idées, dans vos écrits et dans votre projet M.A.P.

Vous allez profiter d’un bon mois en Côte d’Ivoire afin de mettre à jour tous vos besoins, tant physiques, que mécaniques ou sentimentaux. La période de Noël approche et il est temps pour vous de freiner d’un coup sec.

Vous cherchez un petit resto histoire de fêter votre nouvelle liberté. Vous êtes au nord d’Abidjan, une cité plutôt rurale mais surtout très pauvre. Il y a quelques petits restaurants de rue, mais à part continuer de manger dans la rue, vous recherchez plutôt un vrai lieu dans lequel vous pourrez manger assis à une table, avec un verre de vin, si possible. Tout en roulant, vous regardez à gauche, puis à droite. Il y a quelques lieux qui vous font envie mais rien de concluant, pour le moment. Entre la circulation dense et l’état de la route, vous vous arrêtez parfois le long de cette dernière pour mieux regarder les emplacements et faire votre choix, réfléchi, sans intuition.

Lorsque tout à coup, on vous tapote sur l’épaule.

Vous auriez dû faire semblant de ne rien sentir et remettre votre moto sur la route, mais la surprise est telle que vous tournez la tête. Devant vous, un homme, noir, de grande stature. Il porte sur la tête une casquette avec écrit “INTERPOL” dessus. Sinon, il a une chemise noire et un jean.

- Bonjour Monsieur, vos papiers s’il vous plaît !

Vous lui rendez son bonjour, mais tout va très vite dans votre tête. Ce monsieur n’a vraiment rien d’un policier.

- Pas de problème, voici ma carte grise et mon passeport. Mais vous êtes policier ? Vous avez une carte ?

- Oui, bien sûr, regardez, il y a une voiture de police derrière vous.

Vous regardez derrière, mais si vous voyez bien une voiture, elle ne possède ni inscriptions, ni gyrophares.

- Mais en tant que policier, vous devez bien avoir une carte, non ?

L’homme sort une carte de son porte-monnaie. Il vous la montre, de loin. Impossible pour vous de savoir si elle est vraie ou si c’est un leurre.

- Je n’arrive pas à la lire, puis-je voir votre nom ? La prendre en photo ?

- Non, ce n’est pas possible, Monsieur, on ne fait pas cela en Côte d’Ivoire.

- Mais qu’est-ce qui me dit que vous êtes policier alors ?

Il vous montre les alentours. Devant vous, il y a un homme en uniforme de police. Derrière vous aussi. Et plus loin, en face, un troisième homme en tenue de policier. Vous jetez un coup d’œil sur leur hanche et vous constatez qu’ils ont une arme sur le côté.

Vous regardez mieux le “policier” en face de vous. Sur sa chemise, il y a noté “police des Pays-Bas” en anglais. Vous le lui faites remarquer, mais le policier vous répond que ce sont des chemises offertes par les Pays-Bas dans un projet commun.

Cela pue l’arnaque mais vous ne savez pas quoi faire, toujours à cheval sur votre moto. Vous pourriez tenter de donner un grand coup d’accélérateur et vous enfuir. En moto, contre une voiture, vous devriez pouvoir vous échapper aisément. Mais vous ne connaissez pas bien la Côte d’Ivoire et si ces gens armés décident de faire feu en pleine rue et en pleine journée, cela risque de très mal se terminer.

Vous décidez de tendre la carte grise au policier. Il fait mine de s’éloigner, mais vous le retenez avec une idée soudaine :

- Vous serez d’accord qu’un policier en jean, avec une chemise hollandaise et une voiture banalisée, c’est pas très rassurant pour faire croire que vous êtes un officiel.

Il vous regarde, méfiant.

- Vous êtes un imposteur si ça se trouve, vous êtes d’accord que pour moi, étranger dans votre pays, vous ne me rassurez pas ?

- Ce sont nos coutumes ici, je n’ai que faire de votre avis, Monsieur.

- Je vais en parler avec l’ambassadeur ce soir, c’est justement chez lui que je me rendais, car nous sommes presque collègues, vous savez. Si ça se trouve, vous serez dans ma classe la semaine prochaine, je suis ici pour donner une formation aux policiers d’Abidjan.

Sans le laisser réagir, vous sortez votre téléphone portable et vous lui montrez une photo de vous en uniforme de colonel, photo issue de votre carrière militaire.

L’homme la regarde. Il sort à son tour son téléphone, fait mine de s’entretenir avec quelqu’un. Il vous tend votre carte grise :

- Merci monsieur, c’est en ordre, vous pouvez partir.

- Vous êtes vraiment policier ?

Vous voyez la rage dans ses yeux.

Vous préférez ranger le tout. Vous tournez la poignée des gaz. Vous vous enfilez dans la circulation.

Vous ne saurez jamais si c’était un vrai policier ou non, ni si c’est la photo de vous en uniforme qui vous a sauvé. Ce qu’il ne savait pas, c’est que vous vous rendiez en effet à l’ambassade de Suisse. Votre projet M.A.P. a eu un écho jusqu’ici et l’ambassadeur vous a convié pour la fête de Noël. Motard lui-même, il vous a proposé de ramener le Père Noël avec vous pour distribuer des cadeaux aux enfants des Suisses de Côte d’Ivoire. Vous avez bien entendu accepté.

Vous décidez d’oublier cette affaire d’Interpol. Vous ne lui en parlerez même pas.

En cette fin d’année 2020, à Yverdon, vous avez tout de même tenté de prendre contact avec la commune. Vous leur avez fait part de la méprise : si Jicé a décidé d’annuler la venue des autorités, cela le concernait, bien évidemment, mais son courrier ne vous concernait pas. De manière très professionnelle et sympathique, la municipalité accepte donc de venir sur place pour établir votre autorisation d’exploiter, mais le 21 décembre seulement. Cela vous fait perdre une semaine sur votre programme, mais ce n’est pas la mer à boire, tout s’arrange finalement et vous êtes en pleine confiance. De plus, dans l’intervalle, le canton vous a donné toutes les autorisations. Rien ne se dresse donc entre votre projet d’ouverture et les tracasseries administratives. Jicé ne l’entendait malheureusement pas de cette oreille. Il refuse, contrairement à vos contrats, de vous fournir en eau, en électricité et en réseau adsl. Vous le suppliez de faire le nécessaire mais il argumente que le COVID l’empêche d’être dans les temps. Il promet tout de même de faire le nécessaire pour que la municipalité soit contente. De votre côté, vous prenez le risque d’engager le personnel pour une ouverture juste pour Noël, mais vous n’osez pas engager les 30’000 CHF prévus pour la communication tant que vous n’êtes pas certain d’avoir de l’eau et de l’électricité. Le jeu est très serré, mais vous croisez les doigts. Finalement, tout le monde est gagnant si vous ouvrez pour Noël. En particuliers Jicé qui recevra ses loyers dès cette date. Sous réserve, du moins, que Jicé renonce à son recommandé d’empêcher l’ouverture avant le premier février. Mais même s’il n’y renonce pas, vous serez prêt pour le 1er février. Il aura perdu un mois de loyer et vous, le revenu des fêtes de Noël. On ne peut pas tout avoir dans la vie. Tant que le COVID ne force pas la fermeture, vous pourrez profiter encore de la saison froide pour lancer vos activités. Février, c’est mieux que juin ou juillet. Cela serait le pire scénario, sachant qu’Henigma fait quand même une grande partie de son chiffre d'affaires entre novembre et mars. Ouvrir en été, sans les réserves de l’hiver, serait un scénario catastrophique.

Vous évitez d’y penser.

Croisons les doigts pour la visite du 21 décembre.

Damaris
Ecrit
Mercredi, Février 19, 2025
Que d’aventures ! Merci pour ces écrits passionnants. Vivement la suite 💪 🙏🏼
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