
Chapitre 42 IOVMEDR
Au matin, vous partagez le petit-déjeuner avant de reprendre la route.
Marc a pris le soin de vous réserver une chambre à Yamoussoukro, une ville à quelques 400 km de Man. Il a même usé de son statut de président de club de moto pour exiger un prix relativement raisonnable.
C’est fou comme vous vous sentez hors de votre état normal. Vous vous perdez, vous souffrez, c’est comme si à chaque fois que vous leviez la tête, vous imaginez, à l’horizon, ce garage Honda qui vous sauvera la vie ou, du moins, celle de Lily.
Mais Abidjan, c’est encore loin !
Les plaies se remettent à saigner.
À chaque check-point, vous donnez le tour, vous souriez, vous discutez avec les agents que votre périple impressionne. Vous refoulez la douleur et la rage qui sommeillent en vous.
Vous êtes tellement à côté de vos pompes que vous n’avez pas mis sur le GPS l’adresse de l’hôtel, mais celle de la cathédrale de Yamoussoukro.
Incroyable ce bâtiment, copie conforme de la Basilique Saint-Pierre de Rome, mais en plus grand, posée sur un terrain désertique de la Côte d’Ivoire. Vous vous arrêtez pour profiter de cette magnifique vue. Vous discutez un peu avec la sécurité qui entoure l’ouvrage. Vous essayez de contacter Marc, sans succès.
Vous rejoignez enfin ce petit hôtel très sympathique qui offre piscine et wifi, ainsi qu’un restaurant qui propose plusieurs petits plats régionaux. Enfin, sur le papier, car lorsque vous grattez un peu : le wifi ne marche pas et la cuisine ne suggère finalement qu’un seul plat.
Vous ne resterez pas plus d’une nuit ici.
C’est un endroit très mignon, mais vous devez rejoindre Abidjan. Si possible, vous devez aussi avoir un wifi. Il vous tarde de parler avec vos proches.
En attendant, vous vous soignez, changez les pansements et buvez des bières tout en vous souciant de votre logement à Abidjan.
La Côte d’Ivoire est un pays magnifique, certainement un des pays les plus industrialisés que vous croisez depuis la Mauritanie, mais les prix sont un peu surfaits par rapport au service offert. Même dans les centres commerciaux, il est difficile d’acheter à moindre prix et tout est vite assez onéreux.
Le réceptionniste tente de tout faire pour réparer le wifi. Il a bien compris que c’était le facteur qui vous faisait partir rapidement.
Au matin, vous échangez quelques mots avec lui. Vous êtes prêt, la moto est chargée. Vous vous apprêtez à partir lorsqu’il reçoit un coup de téléphone : le wifi est réparé.
C’est hélas trop tard. Vous avez trouvé un appartement tenu par un militaire retraité français au nord d’Abidjan. Vous avez réservé pour ce soir.
Vous prenez la route.
Vous longez l’autoroute. Des bananes partout, tout le temps. Des gens au bord de la route qui vendent à peu près tout. Tous les quinze kilomètres environ, des sortes d’arrêts de bus officieux ralentissent le mouvement. De votre côté, vous vous êtes habitué à piloter Lily avec son guidon désaxé et son écrou en guise de cale-pied. Vous dormirez ce soir à Abidjan.
À la mi-septembre 2020, vous commencez les travaux à Yverdon. Vous êtes en parallèle avec les travaux du gros œuvre du bâtiment qui n’est toujours pas terminé. Mais en étant malin et coordonné, vous êtes persuadé de pouvoir réaliser les deux de front.
Vous participez aux séances de chantier, vous vous adaptez au rythme des travailleurs sous la responsabilités de Jicé avec qui vous communiquez régulièrement. Vous le rejoindrez d’ailleurs durant le mois d’octobre presqu’une fois par semaine pour échanger sur l’avancée des travaux, sur l'entrepreneuriat et sur vos futures collaborations.
Il vous propose plusieurs partenariats que vous acceptez “de prime abord”, car vous gardez toujours une réserve sur le fait d’y aller pas après pas.
Vous entamez les démarches pour votre autorisation de construire, puis sur vos autorisations d’exploiter. Avec votre expérience sédunoise, c’est plus facile, même si chaque canton a des manières différentes de procéder. Mais cela avance. L’inspection communale est prévue pour le 7 décembre, sous réserve que votre projet soit accepté par le canton. Vous vous démenez pour que ce soit le cas.
Mi-novembre, vous êtes tout de même soucieux : il n’y a toujours pas d’électricité à votre étage, Jicé n’a pas amené l’eau jusqu’à votre étage ce qui pose des problèmes d’envergure pour y poursuivre les travaux : nettoyage des pinceaux des peintres, test de l’électronique des pièces du futur Prison Island, mais qu’à cela ne tienne : de son côté, il doit être prêt pour début décembre et de votre côté, vous serez prêt, c’est certain.
Jusqu’à cette discussion étrange, où en partageant un repas dans son hôtel préféré, Jicé lâche :
- Le bruit court que tu ne seras jamais prêt, on dit que le canton ne t’accordera jamais les autorisations en temps voulu.
Vous le rassurez :
- Bien sûr que oui, toutes les demandes ont été faites, j’ai aussi la chance par mon réseau de pouvoir avoir accès aux personnes qui décident et ils m’ont déjà garanti que les autorisations seront accordées en temps et en heure, sous réserve que le dossier soit bon.
Vous le voyez bien, que cela pose un problème à Jicé. Votre réponse ne lui convient pas. Il ajoute :
- Mais tu es agent secret ou quoi ?
- Non, mais j’ai quelques relations, rien d’incroyable, mais qui me permet de suivre le dossier pour être sûr qu’on soit dans les temps.
Vous poursuivez votre repas sans en reparler. Vous sentez que Jicé est contrarié. Il fallait que les choses soient dites et elles le sont.
Votre franchise et votre transparence sont vos marques de fabrique, il était important qu’il sache que tout est dorénavant basé sur ses compétences à lui seul.
Le 2 décembre 2020, soit 5 jours avant la visite de la commune, vous apprenez que Jicé a, en votre nom, annulé la séance avec la commune d’Yverdon.