38. Chute à plus de 100 km/h

38. Chute à plus de 100 km/h

Mercredi, Février 5, 2025 [ROMAN]

Chapitre 38 IOVMEDR

Il y a des endroits où vous restez pour reposer l’esprit et d’autres pour y reposer le corps.

Quand vous avez quitté le camping le plus cher du monde qui ne proposait aucun service, vous avez eu droit à un remake de la petite maison dans la prairie : Charles Ingalls gonflé aux stéroïdes entouré de tous ces enfants adoptifs noirs pour vous saluer et faire “au revoir” de la main.

Pathétique !

Comme prévu, le repas qui devait coûter entre 6 et 7 USD en aura coûté 7.

Comme prévu, les boissons qui devaient coûter 1 USD en ont coûté 2.

Comme pensé, l'eau qui devait coûter 0,50 USD en aura finalement coûté 1 USD.

Et comme d’habitude, les biens-pensants vous auront expliqué :

- Cet argent n’est pas pour nous, il est pour eux ! En désignant les natifs du lieu autour d’eux.

C’était donc bien le moment de partir.

30 kilomètres de piste au démarrage, puis retour sur Monrovia où, afin d’éviter la ville, vous reprenez une piste de 30 kilomètres à nouveau.

Vous avez un bon rythme. Sur l’asphalte, vous roulez à 120 km/h environ. Vous devriez arriver à votre hôtel à Ganta vers 14 heures.

Soudain, vous avez l’impression que le pneu avant manque de pression. Vous vous arrêtez. Vous contrôlez. Tout à l’air normal. Comme vous avez perdu votre compresseur sur la route de Boké, impossible de savoir assurément. Vous vous promettez une fois à Ganta de trouver le moyen de contrôler vraiment.

Vous traversez de nombreux villages, de nombreux check-points aussi. Vous vous rapprochez de la Côte d’Ivoire, dernier poste avant une pause de plus d’un mois. Vous vous réjouissez.

Tout en roulant, vous trouvez que le guidon de la moto a beaucoup de jeu. Il pivote de droite à gauche comme s’il était mal fixé. Le temps que vous vous promettiez de contrôler cela aussi à Ganta, vous sentez la moto qui tangue sur son axe. Vous comprenez que votre pneu arrière s’est décollé de la moto. Vous tentez de garder l’équilibre, mais après une trentaine de mètres, la moto se couche sur son côté gauche avec vous en-dessous.

Vous voyez votre casque appuyer sur le bitume. La moto, plus rapide que vous, glisse sur une centaine de mètres, tandis que vous la suivez en effectuant quelques tonneaux.

Vous pensez :

- Pourquoi tu n’as pas mis ta veste ?

- Ça va piquer !

- Merde !

…tandis que vous tournez.

Vous vous relevez. Deux jeunes hommes, en petite moto du coin, se sont arrêtés. À voir leur tête, vous comprenez que vous ne devez pas être beau à voir, mais vous n’avez pas le temps de pleurer sur votre sort. Vous saignez de partout.

Vous les aidez à relever Lily, vous la déchargez au maximum et vous la poussez sur le côté.

Vous enlevez votre casque tandis que le plus mature des jeunes cherche des herbes dans le champ, à côté de vous. Il en ingère une belle quantité qu’il mâche. Il s’approche de vous. Vous vous mettez à torse nu et il vous applique des cataplasmes d’herbes pré-mâchées sur vos plaies:

- Pour stopper l’hémorragie, vous dit-il.

C’est douloureux. Votre corps brûle, tout entier.

Vous ne comprenez pas ce qui s’est passé.

Votre pantalon de moto a fait son office, protégeant un maximum votre peau, pourtant il est brûlé, déchiré à plusieurs endroits et vos genoux ont quand même bien été pelés. Rien à voir avec votre haut du corps qui est raboté sur une bonne dizaine d’endroits, certains plus profondément que d’autres.

Vous testez votre moto qui fonctionne. Il faut trouver un nouveau pneu.

Vous négociez avec les deux jeunes qui vous ont aidé dès le début. Il faut dire que depuis, c’est presque toute la population du village qui vous encercle. Une centaine de personnes vous entourent. Vous avez de la peine à respirer, mais voilà. Il faut gérer le plus urgent. Le jeune homme accepte de prendre votre pneu arrière et de tenter de le changer en ville. Vous lui promettez de l’argent pour ses frais : moto-stop, temps, etc.

Il s’en va.

Vous prenez le temps d’enfiler un pull pour cacher vos blessures. Vous réunissez vos affaires au bord de la route. Vous faites un check de Lily : poignée d'embrayage cassée, cale pied gauche arraché, rétroviseur gauche disparu et protège-main démoli.

C’est tout !

Vous estimez que l’accident s’est passé à environ 120 km/h, le temps de comprendre qu’il y avait un problème et de tenter de rester en équilibre, la chute a dû se produire à environ 100 km/h. Cependant, Lily roule et n’a que quelques dégâts mineurs à ses extrémités ? Vous avez un peu de peau brûlée, eczéma de l’asphalte tant redouté des motards, mais rien de plus ?

Il y a vraiment quelque part quelqu’un qui vous protège, ce n’est pas possible.

Il y a 5 ans, un 1er août, vous aviez été fauché, à Anzère, par une voiture qui était sortie de sa place de parc sans vous voir. Vous étiez à 13 km/h selon les experts : soleil de votre aînée passagère par-dessus la moto, dégât total de votre moto et de même sur la voiture.

Et là, à 100 km/h, rien !

Ou presque rien.

Le jeune homme revient, il a trouvé un pneu mais le garagiste demande 70 USD pour commencer les réparations. Vous les donnez sans problème.

Alors commence une longue attente qui va durer plus de deux heures.

D’abord, un policier va venir avec son escorte. Il va s’assurer que vous allez bien, que vous n’avez pas de problème majeur, puis il va s’adresser au groupe de gens autour de vous :

- En tant que commandant de police, je tiens à vous remercier de vous occuper de cet étranger comme ceci. Il doit comprendre qu’au Libéria, nous tenons à protéger les touristes et à les aider. Il doit se sentir à l’aise, en sécurité et appuyé. C’est grâce à vous qu’il est heureux d’être parmi nous.

Il vous laissera son numéro de téléphone et désignera l’un des gars autour de vous en tant que représentant de la police en attendant que tout soit réglé.

Des gens viennent, d’autres repartent.

On vous fait comprendre que le jeune gars à qui vous avez donné de l’argent est parti pour toujours, que vous ne le reverrez plus, que vous avez fait confiance à n’importe qui.

D’autres vous disent de rappeler la police pour qu’elle puisse vous rapatrier en ville avant la nuit.

Vous êtes sous pression. Vous sentez l’état de choc qui toque à la porte de votre moral, mais vous restez confiant. Il est 15 heures, il est parti depuis 1 heure environ, il faut quand même un peu de temps pour changer un pneu. Il va revenir.

Vous n’expliquez pas votre position, seulement que vous êtes confiant.

Les gens du Libéria, quand ils vous parlent, vous ne savez pas s’ils vous engueulent ou si c’est leur façon de parler.

La pression sociale continue !

A 16h15, vous doutez.

A 16h30, vous appelez la police.

Caro
Ecrit
Vendredi, Février 7, 2025
Quelle aventure… <br />Me réjouis d en connaître la suite
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