
Chapitre 36 IOVMEDR
Certainement que le droit a été respecté, mais l’injustice est totale.
Dans votre éducation, il y avait des règles immuables, non-discutables, comme “qui casse paye”, “mentir ne sert à rien” ou “tout finit par se savoir”.
Vous avez été assommé par la lenteur de la justice. Aller plus vite aurait permis d’interroger les bonnes personnes, de pouvoir mettre le doigt sur des discussions que Filou a effacées depuis longtemps de son ordinateur. Le pire de cette expérience a certainement été la mauvaise foi des avocats qui osent le mensonge, souvent par omission, même au détriment de preuves irréfutables, juste parce qu’ils sont payés pour cela.
Il faut se rendre à l’évidence, la justice est à la traîne, elle utilise des méthodes vieilles de vingt ans, elle n’est plus au fait de notre temps et elle est bien trop imparfaitement humaine pour être pertinente. En gros, elle ne sert à rien, ou seulement à se donner bonne conscience.
Si vous l’aviez su, votre vie aurait peut-être changé. Mais cette leçon vous aura coûté six ans de votre vie, remplis d’espoir, d’attente et de crises de colère.
“Tout ça pour ça” comme on dit.
En roulant vers votre prochain pays, vous serrez les poignées de Lily.
C’est fou comme la vie est moche. Tous ces gens, ces donneurs de leçons, qui expliquent à tout va les lois du bon sens. Ils n’ont pas votre histoire, une histoire qui aurait pu se produire avec n’importe lequel d’entre eux. Finalement, être dans les affaires, c’est s’associer pour être plus fort, tenter d’unir des compétences pour pouvoir mieux répondre aux besoins de la clientèle. Le fait que votre confiance ait été placée dans un salopard sans scrupules ne peut pas vous être reproché.
Bien sûr, vous pouvez vous morfondre, regretter de ne pas avoir déposé plainte pénale dans les temps, que votre épouse ait oublié de vous le dire, que vos témoins aient préféré protéger leur image plutôt que de vous soutenir fermement. Peut-être que le juge vous a pris en grippe, peut-être que votre mauvaise fortune et votre manque de fortune ont fait de vous quelqu’un d’inutile, de faible ou d’insignifiant qui ne méritait peut-être pas la même attention qu’une autre affaire.
Peut-être même vous montrez-vous trop fort, avec des solutions, de l’engagement et la particularité de rebondir même dans les situations les plus délicates : un homme comme vous n’a pas besoin de justice, il se sauvera de toute manière de toutes les situations.
Peut-être est-ce votre passé de militaire, votre franchise, votre détresse ou simplement vos mots qui ont mis à mal l’image que vous donniez à cette affaire.
Il y a d’ailleurs eu une expertise comptable durant cette affaire. L’expert, avant de se présenter ou de vous dire bonjour était entré dans votre bureau en lâchant très agressivement :
- Je sais que vous êtes colonel et moi je suis anti-militariste, je hais les militaires, comme ça c’est clair.
Avant d’entrer dans le vif du sujet et de vous demander de lui présenter votre comptabilité, celle que vous aviez faites avec vos maigres connaissances et qu’il qualifia de “mal tenue”.
La justice exige de l’argent; sans argent, pas d’avocat; pas d’avocat, pas de défense; pas de défense, vous êtes à la merci de n’importe qui.
Un des juges vous l’avait d’ailleurs dit, lorsque vous vous étiez présenté sans avocat devant lui :
- Vous osez vous présenter devant moi sans avocat ? Je n’ai pas de temps à perdre.
Comme si vous aviez fait ce choix d’être sans avocat! Il se trouve que les protections juridiques en Suisse ne couvrent pas les affaires pénales, alors comment faire ? Vous vous défendez contre quelqu’un qui a fait perdre un demi-million à votre jeune entreprise et la justice s’attend à ce que vous trouviez les moyens d’engager un avocat pour y remédier ?
Les gens qui exercent ce métier dans la justice ont perdu complètement pied avec la réalité. Ils sont bien assis, dans leur bureau, payés grassement à chaque fin de mois et ils s’attachent à croire en leur système, parce que c’est la seule chose qu’ils peuvent faire : croire que ce qu’ils font est utile et nécessaire. Mais les gens comme vous, vous savez qu’il n’en est rien et que des injustices comme celle qui a agressé puis mis à mort votre société n’est pas normale.
En tant que citoyen, vous faisiez confiance aveuglément à cette justice pour rétablir l’équilibre. Vous avez mal jugé. Ce n’est pas un hasard si certains décident de rendre justice eux-même.
Ce livre est aussi pour vous le moyen d’alerter des personnes qui seraient dans la même situation que vous, afin qu’ils puissent gagner du temps en apprenant de vos erreurs.
Hélas, Filou ne fut que le premier d’une longue liste. Des truands, protégés par les lois, qui utilisent les limites de cette dernière pour s’octroyer des projets, de l’argent ou des idées qui ne sont pas les leurs.
Il est temps d’abandonner ici l’histoire de Filou pour entrer dans ce qui allait être la pire chance de votre vie, la rencontre avec Jicé.
Mais d’abord, traverser Monrovia !
Fin de Du Voyage à l’Aventure