25. Le chemin de Boké

25. Le chemin de Boké

Dimanche, Janvier 5, 2025 [ROMAN]

Chapitre 25 IOVMEDR

Cet homme qui est venu vous chercher juste à la nuit tombante, il est journaliste. Vous échangez quelques mots. Son instruction est bien présente, il vous explique son pays, la situation géo-politique, les relations avec la France.

Vous avez essayé d’acheter une carte sim en l’attendant, mais impossible en Guinée, car vous devez présenter une carte de résident. Vous apprendrez bientôt que rien n’est impossible en Afrique, mais ce soir, assis à côté de cet homme, Lajouri, vous sentez que vous approchez du bout du bout, moralement.

Pas de carte sim, pas d’argent, des routes impossibles.

Lajouri vous partage sa connexion afin que vous puissiez acheter 1 giga de données via l’e-sim de votre téléphone. C’est pas l’idéal, car c’est très cher, mais au moins vous pourrez donner quelques nouvelles à ceux qui vous sont chers.

Le journaliste organise tout pour que vous soyez bien. Vous négociez un peu la chambre, mais finalement, vous lui donnez presque l’entier de ce qui vous reste en billet.

La maison ne possède pas d’électricité, pas d’eau courante, mais il y a un matelas sur lequel vous pouvez poser votre sac de couchage. Lajouri se rend au puits vous chercher deux bidons d’eau. Cela vous permettra de prendre une douche. Vous n’en revenez pas de cette journée.

Vous êtes tombé plusieurs fois, dans l’eau, dans le sable, dans la terre, dans des sables mouvants. Vous avez besoin d’une douche. Ne serait-ce que pour calmer vos nerfs, un peu. Mais c’est une projection de vos mauvaises habitudes. Vous n’êtes pas du tout nerveux. Vous êtes même étrangement calme. Vous savez que la seule solution maintenant c’est de prendre les problèmes l’un après l’autre. Et votre premier problème, c’est la route. Fifi, à Ziguinchor, vous a prévenu que la route de Boké n’était peut-être pas la meilleure idée. Vous cherchez donc à aller vers le sud, dans les montagnes.

Lajouri vous déconseille ce chemin. La route n’est pas vraiment meilleure, mais surtout, vous aurez un problème d’argent, car le premier bancomat se trouve à 400 kilomètres et surtout, sans argent, pas d’essence, et donc impossible de relier ces 400 kilomètres.

Tandis que de l’autre côté, par Boké, en effet la route est mauvaise, mais cela ne dure que 150 kilomètres et à Boké vous trouverez plusieurs bancomats et de l’essence.

Votre premier problème est donc résolu : vous connaissez votre chemin. Vous enregistrez un hôtel à l’entrée de Boké au cas où, mais votre idée c’est de rejoindre rapidement l’océan, dans un camping qui semble être très sympathique, à une heure de route de Boké, plus au sud.

Vous vous endormez paisiblement.

La douche vous a fait du bien, votre cigare aussi. Vous avez à peine lu quelques lignes avant de tomber de sommeil.

Au matin, vous vous préparez.

Vous êtes dans une forme olympique, à croire que ce qui vous attend ne vous fait pas peur ! Aujourd’hui, vous ne tomberez plus. Vous serez prudent, patient et confiant !

Mon Dieu !

La route est pire que ce que vous pensiez. En fait, c’est une large route de terre qui est séparée en deux par une crevasse profonde qui louvoie de droite à gauche, érodée par les eaux de la saison des pluies qui vient de se terminer. Il y a des trous de plus d’un mètre de profondeur, parfois, il faut sauter d’un côté à l’autre de la route pour changer de piste, parfois, c’est une planche qui vous permet d’éviter la crevasse, parfois, c’est en vous mettant le plus au bord possible de la route, la tête dans la jungle, que vous parvenez à trouver un peu de terre solide.

Vous ne tomberez qu’une seule fois, à l’arrêt, bêtement.

Mais vous respectez vos propres engagements : vous êtes calme et patient. Vous essayez de rester très concentré, sans vous laisser envahir par une euphorie qui tendrait à vous faire penser que vous maîtrisez le off-road.

Mais soyons clair, vous maîtrisez le off-road.

150 kilomètres à 20 km/heures, il vous faut 7 h 30 pour vous sortir de ce merdier. Car il n’y a pas d’autres mots pour décrire ce que vous traversez. La route est dans un état lamentable, mais c’est sans compter les véhicules abandonnés au milieu du chemin à cause d’un essieu qui a lâché ou d’une roue qui s’est faite la malle.

Cela fait presque 100 kilomètres que vous roulez, et sans vous laisser entraîner par cette pseudo-euphorie, vous arrivez tout de même à augmenter un peu la cadence. D’autant plus que la route devient davantage praticable. Pas incroyable non plus, mais mieux, et vous parvenez à maintenir sur de long bout une moyenne de 60 km/h.

Tout à coup, devant vous, un trou !

La route se rétrécit pour passer sur un pont d’environ quatre mètres de large. Votre chemin se resserre donc drastiquement, mais vous ne voyez qu’au dernier moment que le pont n’existe plus. Devant vous, un trou d’environ 3 mètres de profondeur, sur 4 mètres de larges, avec un saut d’un mètre cinquante si vous voulez vous retrouvez de l’autre côté.

Dans votre tête, tout va très vite. Vous roulez trop vite pour éviter l’obstacle. Soit vous freinez, et vous prenez le risque de tomber dans la fosse avec Lily, soit vous lui apprenez à voler.

Vous optez pour la deuxième solution : vous accélérez à 80 km/h, vous délestez votre moto en vous mettant debout et au moment où la roue avant quitte le sol, vous tractez de tout votre poids pour relever votre guidon, créant un effet de wheeling et accélérant tout ce que vous pouvez !

Dis comme ça, ça a l’air super technique, mais vous n’avez fait que suivre votre intuition, rien de plus. Vous avez bien conscience que tout peut s’arrêter ici et maintenant, selon le résultat de votre réflexe.

En l’air, au-dessus du gouffre, vous avez pourtant le sentiment que vous venez d’avoir l’idée la plus stupide qui soit.

Caecilia
Ecrit
Dimanche, Janvier 5, 2025
En Colombie j ai appris qu une mauvaise route est toujours là bonne d une autre.... Mais là on dirait que tu as touché le bout...
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