
Chapitre 23 IOVMEDR
D’un côté la Guinée-Bissau avec sa frontière et ses formalités, de l’autre la Guinée dite Conakry avec sa frontière et d’autres formalités.
Au milieu coule une rivière, avec un bac qui se déplace grâce à une corde située au fond de l’eau et que du personnel du bac tire pour rejoindre l’autre rive.
Sur le bac, les négociations sont rudes pour arriver à un prix. C’est un problème de vision du monde économique. De votre côté, vous voulez connaître le prix pour traverser en moto. Du leur, ils vous donnent le prix de la traversée en bateau.
Pour être précis : la traversée en bateau coûte 30 CHF environ, mais si vous êtes 2 voitures et 2 motos, cela coûte donc environ 8 francs chacun. Vous, vous estimez que ce n’est pas votre problème si le bateau est vide. Vous prétendez qu’il serait mieux d’attendre un ou plusieurs autres véhicules pour un maximum de rentabilité.
Vous vous mettez d’accord sur un prix et ils vous font traverser. De l’autre côté, la route est vraiment détruite. Des trous, de la terre, du sable et de l’eau. Avant la douane guinéenne vous tombez une première fois. Vous n’avez parcouru qu’un kilomètre depuis la sortie du bac. Vous estimez qu’il y a peu de chance que quelqu’un survienne puisque cela fait presque 3 heures que vous êtes sur cette route et que vous n’y avez croisé encore personne.
Vous enlevez tous le paquetage de Lily. Vous la relevez. Vous rempaquetez. Vous repartez.
À la douane, tout le monde est très poli et très souriant. Le colonel en charge est très embêté par votre carnet de passage. Il tente un coup de fil à la ville, mais vous comprenez qu’il ne va pas s’en sortir. Vous remplissez donc le carnet pour lui, lui montrant du doigt les endroits où il doit y apposer son timbre et sa signature.
Empli de mauvaise foi, mais conscient qu’une petite chance existe, le colonel vous tend votre carnet de passage en lâchant :
- Normalement, en Guinée, lorsque quelqu’un reçoit quelque chose de la part de quelqu’un d’autre, comme par exemple vous qui recevez ma signature sur votre carnet de passage, il est de coutume que l’on offre un cadeau en remerciement.
Cette fois vous n’avez pas besoin de bluffer, vous n’avez effectivement plus de liquide sur vous. Vous tendez un de vos stylos M.A.P. créé pour l’occasion :
- Laissez-moi vous offrir ce stylo.
Le colonel est content. Il vous laisse partir.
La route est vraiment compliquée.
Vous effectuez vos premiers franchissements de rivière en moto. Vous vous remémorez votre cours off-road afin de pallier à vos peurs et à vos doutes. Vous remarquez que dans le sable par exemple, il est utile de préparer votre jambe droite pour relancer parfois l’équilibre de la moto. Dans l’eau, vous laissez filer la monture en restant bien droit et à vitesse constante.
Au début de cette route, à 10 km/h, vous paniquiez, mais plus vous avancez, plus vous prenez vos aises et votre rythme s’accélère.
Lors d’un virage dans une boue épaisse, vous vous aidez de vos pieds pour donner l’impulsion à Lily qui s’en sort très bien.
Lors d’un franchissement, vous ne voyez pas que vous êtes en troisième et la moto cale alors en pleine eau, vous voulez la retenir, mais elle tombe sur le côté.
Heureusement, il est facile par rapport à sa position, de la relever sans effort. Vous poursuivez votre chemin.
Il n’y a qu’une soixantaine de kilomètres jusqu’au prochain village, mais à 30 km/h, vous allez mettre encore beaucoup de temps. D’autant plus qu’à chaque chute, vous perdez encore un peu de temps. Vous avez peur de la nuit.
Vous poursuivez néanmoins. L’important c’est d’avancer, sans s’arrêter, sans douter.
Vous arrivez alors devant un nouveau franchissement d’eau avec sur la gauche, une étendue d’eau dont vous n’arrivez pas à estimer la profondeur. Tandis qu’à droite se trouve un passage fait de boue. Vous vous décidez pour la boue, vous l’avez déjà fait. En vous aidant de vos pieds ça devrait passer.
Ce n’était pas de la boue, mais des sables mouvants !
Votre moto s’enfonce, ainsi que vous même. Impossible d’aller ni en avant, ni en arrière.
Heureusement, une sorte de petit véhicule à trois roues qui transporte des bambous s’arrête pour vous aider : ils sont deux hommes et un enfant. Un vieillard à vélo s’arrête lui aussi.
Vous tentez de sortir Lily grâce à une corde qui finira par se rompre. Vous délestez la machine de tout le poids possible avant de vous mettre tous ensemble à la pousser vers l’arrière afin de la sortir du bourbier.
Vous y parvenez après moult efforts.
Vous êtes dans un état lamentable de saleté et de crasse : terre, transpiration, boue. Vous ne sentez plus vos pieds mouillés.
Vous avez tellement peu d’argent que vous ne pouvez pas remercier convenablement vos sauveurs, mais vous avez l’idée de vous arrêtez au prochain village pour y boire un verre ensemble. En effet, vous avez au moins de quoi acheter une bouteille d’eau d’un litre et demi, et vous vous la partagerez en discutant.
Le chauffeur du véhicule accepte. Le prochain village est à 16 kilomètres. Vous lui enjoignez de partir rapidement puisqu’il est plus lent que vous, tandis que vous rechargez vos affaires sur Lily.
Vous reprenez la route.
Cette dernière s’améliore un peu. Moins de franchissements, moins d’eau, plus de verdure, mais aussi plus de sable. Il y a parfois tellement de sable que vous avez l’impression d’être sur la plage.
Vous accélérez un peu, content de cette amélioration.
Vous prenez conscience que depuis votre arrivée au Sénégal, c’est le sable qui vous posait problème avec une première chute au lac rose. Vous maîtrisez cet élément aujourd’hui. Dorénavant, c’est l’eau que vous devez apprendre à maîtriser.
Vous distinguez le véhicule à trois roues, plus loin. Vous donnez un coup d’accélérateur.
Et c’est le drame.
Vous chutez à 40 km/h.
Vous percez l’un des jerrycan de l’avant, vous déchirez un des sacs avec les caméras et surtout, vous vous faites mal au coude et au pied. Heureusement que vous avez vos bonnes chaussures de moto.
C’est votre quatrième chute du jour !