2. Un AVC comme déclencheur

2. Un AVC comme déclencheur

Vendredi, Octobre 25, 2024 [ROMAN]

Chapitre 2 IOVMEDR

C’est une de vos priorités.

En effet, voyager exige de l’argent, mais sans argent, pas de rêve, pas de voyage et pas de salut.

De plus il ne faut pas se mentir, vous n’avez pas investi toute cette énergie et toute cette passion pour que tout implose sur un coup de tête.

Vous possédez 4 entreprises qui sont toutes rentables, mais pas tant que ça. On est plus sur du “tourne à 0” que sur du “ouah je vais aller m’acheter ma quatrième Ferrari”.

Ces entreprises ensemble emploient une vingtaine d’employés, et avec le temps, ces employés sont devenus vos amis. Du moins ceux qui sont restés. Car vous l’expliquerez plus tard, mais ces employés sont à la fois votre plus grand succès et votre plus grande défaite.

Il y a aussi Charlotte !

Charlotte c’est la femme qui partage votre vie aujourd’hui. Vous vous êtes rencontré comme un cliché, au bureau. Pourtant votre histoire n’a rien d’un lieu commun. Vous devez commencer par lui expliquer votre projet, car, en définitive, c’est elle qui vous donnera son accord. Si elle ne comprend pas, ne voit pas, ou égoïstement vous maintient là; alors rien ne vaudra la peine.

Il y a plusieurs déclencheurs dans votre besoin de partir, mais un des plus gros stress de votre vie, c’est d’avoir vu Charlotte presque mourir sous vos yeux. A 35 ans, il y a juste un mois, elle a fait 2 AVC. Le premier est intervenu alors que tout allait bien, son œil gauche s’est mis à déconner, elle voyait une tâche noire.

Vous l’avez amené chez le médecin, mais il n’a rien vu venir. Il a dit que c’était un truc bénin, qui passerait en deux, maximum 3 semaines. Il lui a fait un arrêt maladie. De toute manière, sans rien voir, avec le mal de tête qui la torture, Charlotte, pourtant directrice de votre société principale, n’est capable de rien.

Vous vous occupez d’elle. Sans domicile fixe, vous vous installez dans son petit appartement, - un chalet à 1400 mètres d’altitude,- et vous échangez beaucoup de chaleur contre des soins. Dans son chalet, il y a un peu d’électricité, mais pas de chauffage et l’eau est toujours froide. Vous allumez le feu tous les matins, tous les soirs, et vous vous tenez chaud dans les 26 mètres carrés de cette habitation.

Parce qu’elle n’est plus apte à travailler pour quelques temps, vous décider d’augmenter votre charge de travail. Pour faire simple, vous vous levez vers 6 heures le matin, histoire de faire du feu dans la cheminée et de consommer votre cigare en pleurant. Puis vous vous rendez au travail afin de gérer le courant. Malheureusement comme un désastre ne vient jamais seul, votre comptable, votre secrétaire, votre responsable marketing et votre employée juridique viennent de démissionner. En bloc. Ça arrive.

Vous êtes donc tous ces métiers à la fois : CEO, secrétaire, comptable, DRH, vous gérez les réseaux sociaux, les payements, les projets, vous animez les jeux, vous vous tuez à la tâche et en plus, vous ne le faites pas bien.

C’est normal, c’est trop !

Vers 17 heures, jour après jour, vous rentrer retrouver Charlotte, lui faire à manger, refaire du feu, charger les bouillottes, avant d’aller, épuisé, vous endormir dans un lit bien chaud.

Vous en êtes à la troisième semaine de ce tarif quand son médecin demande à la voir. Étrange ce mal qui ne passe pas. Alors pour une fois, vous décidez de revenir du travail vers 10 heures le matin. En effet, Charlotte dans cet état ne peut pas conduire.

Il neige depuis quelques jours ce début décembre. A 1’400 mètres d’altitude, isolée, vous avez de la peine à vous frayer un chemin dans ces murs de neige pour l’atteindre. Vous arrivez juste à temps pour l’amener à son rendez-vous sans retard. Vous sortez de la voiture que vous laissez, parquée un peu n’importe comment, de toute manière vous êtes au bout du bout de cette rue qu’un habitant du coin déneige quelques fois par semaine quand le cœur lui en dit.

Vous signalez votre présence à Charlotte qui sort pour vous rejoindre, mais elle vous fait un signe de la main. Elle ne va pas bien. Vous remontez à sa hauteur, de la neige jusqu’aux cuisses:

- Je ne sais pas ce que j’ai, je ne sens plus mon côté gauche !

Cela vous parait absurde, mais vous n’avez pas le temps de répondre.

Charlotte s’effondre dans la neige.

Ses membres tremblent. Elle fait ce que vous estimez être une crise d’épilepsie. Elle est couchée dans 2 mètres de neige. Elle ne vous entend pas. Vous ne vous en sortirez jamais, même un hélicoptère n’arrivera pas à vous sauver. En plus, dans ce trou de montagne, il y a à peine de réseau.

Vous vous précipitez. Vous l’empoignez, elle réagit un peu, suffisamment pour vous aider, par une démarche sans équilibre à parcourir le chemin qui vous sépare de la voiture.

Les secondes paraissent des heures. Vous transpirez. Vous ne sentez plus ni le froid ni la douleur. Vous la tenez comme vous pouvez. Vous essayez de la faire tenir sur ses jambes qui se dérobent à chaque pas. Après quelques minutes de combat contre le destin, vous la jetez sur le siège passager de la voiture. Vous organisez ses morceaux de jambes et d’habits pour être en mesure de fermer la portière avant de vous jeter au volant et de démarrer.

C’est sûr, elle est en train de mourir.

Elle convulse à côté de vous. Elle laisse échapper des borborygmes graves. Sa tête est penchée sur sa poitrine. Vous craignez qu’elle vomisse.

Pas qu’elle s’étouffe en chemin.

Tout en conduisant dans la neige, vous lui caressez l’arrière du crâne pour tenter de l’apaiser. Elle ne vous entend pas. Vous espérez qu’elle tiendra le coup.

Vous arriverez aux urgences comme par miracle.

Elle est admise à l’hôpital. Elle y restera 3 semaines.

C’est un AVC. Une veine du cerveau s’est bouchée. Les médecins ne comprennent pas qu’il n’ait pas vu le truc arriver, étant donné que l’AVC de son œil était une première alerte.

Heureusement c’est une veine.

A part la perte de son œil gauche, Charlotte n’aura pas de séquelle.

Elle restera dans les choux jusqu’en mars. Vous resterez à ses côtés.

Vous espérez qu’elle ne recommence pas.

Elle est terrifiée. Vous aussi.

Vous avez souvent des mots apaisant pour elle.

Vous continuez à gérer la société, votre compagne, votre vie ensemble. Un revenu obligatoire pour traverser tout cela.

Sans aide de personne.

Ni financier, ni moral, ni amical.

Vous prenez conscience que vous êtes bien seul dans ce monde.

Il ne faut pas craquer. Charlotte a besoin de vous.

Un jour vous craquerez, mais pas maintenant, c’est pas le moment.

Elle est vivante, c’est tout ce qui compte.

Vous l’aimez.

Vous ne pouvez vous empêcher de penser que si elle avait fait son AVC une heure plus tôt, ou une heure plus tard, elle serait morte, couchée dans la neige.

Vous ne pouvez vous empêcher de constater que sans vous, personne ne l’aurait aidée. On ne lui a pas proposé d’infirmière pour l’assister dans ses déplacements ou pour manger. On ne lui a pas proposé d’arrondir ses fins de mois, n’ayant pas de revenu durant sa convalescence. Vous ne pouvez pas vous empêcher de penser qu’après avoir failli mourir, elle serait morte parce que tout ce qui se raconte dans la presse et sur les réseaux, l’aide aux personnes malades, ce n’est que du vent. Seulement de la publicité mensongère pour qu’on puisse se regarder dans la glace en omettant toutes les exceptions.

Vous qui aviez déjà un problème de gestion de la colère, vous regardez Charlotte shootée par les médicaments et vous fulminez. Ils devraient tous crever nos politiciens. A force de dire le bien qu’ils font, la populace, qui manque de moyens critiques, finit par le croire, alors que nos politiciens de tous bords sont responsables de beaucoup de morts : des morts de maladie, des morts sociales, des morts économiques.

On en parle, du COVID ?

Il est temps…

Non, pas encore.

Ce n’est pas parce que les dés sont pipés qu’il faut refuser le jeu.

Vous êtes bien plus malin que ça.

Préparer son départ !

Charlotte est la femme de votre nouvelle vie, mais s’il y a bien un déclencheur malsain dans cette histoire, c’est la femme de votre ancienne vie.

Commencez par “apaiser vos enfants”.

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