14. Le désert du Sahara

14. Le désert du Sahara

Vendredi, Décembre 6, 2024 [ROMAN]

Chapitre 14 IOVMEDR

14. Le désert du Sahara

Sur la carte, vous le situez assez bien.

Par deux fois, lorsque vous êtes allé en Tunisie, il y a très longtemps, vous aviez pu le voir, le piétiner.

Lorsque vous avez préparé votre voyage, vous avez été prévenu qu’il y aurait 600 kilomètres de désert avec une seule pompe à essence, pile au milieu, à 300 kilomètres.

En prévision de ce moment, vous avez acheté des jerrycans pour être autonome sur 600 kilomètres avec votre moto, histoire d’être sûr que même si la pompe entre deux est vide, vous pourriez vous en sortir sans souci. Vous avez aussi pris une vache à eau militaire de 30 litres. En Espagne, vous avez poussé le vice jusqu’à acheter plusieurs boites de conserve contenant un repas complet. Vous étiez prêt à affronter le rien, le néant, le sable.

Heureusement, à la frontière Mauritanienne vous prenez conscience que ce passage est maintenant derrière vous.

Vous avez passé une nuit dans un camp à l’extérieur de Nouadhibou. Beaucoup de vent dans votre tente posée sur les rives de l’océan, mais vous avez passé une bonne nuit. La tenancière du lieu, une écossaise exilée, vous a préparé un plat de pâte avec une sauce bolognaise de chameau.

Vous souriez en y repensant.

Vous ne savez pas quelle force vous pousse, mais vous devez rapidement prendre la route. Depuis Agadir, vous avez la vive impression que l’Afrique commence au Sénégal. Les pays nord-africains sont relativement semblables à l’image que vous vous en faisiez. Vous avez d’ailleurs des connaissances en Suisse qui sont marocaines, algériennes ou tunisiennes. Vous avez l’impression de connaître ces gens, d’en comprendre les coutumes.

Mais la Mauritanie, vous n’étiez pas prêt.

Ah ça non.

Vous démarrez assez tôt le matin, vous passez un poste frontière à 40 kilomètres de Nouadhibou environ. Vous demandez au policier s’il y a de l’essence sur la route. Il vous regarde un peu surpris.

- Pour de l’essence, le mieux c’est de retourner à Nouadhibou.

Vous insistez, vous dites que vous avez encore assez d’essence pour parcourir au moins 100 kilomètres, et si jamais, vous avez encore vos jerrycans inutilisés.

Il acquiesce.

- Cent kilomètres, oui, pas de problème.

Vous poursuivez la route.

Vous n’êtes pas sûr que le policier ait vraiment compris votre question.

Vous êtes en confiance. Vous avez rencontré des stations régulièrement le long de votre route hier, alors qu’on vous avait promis la misère. Vous pensez que les gens ont tendance à exagérer le danger. Vous roulez.

Dans le sable.

Du sable, encore du sable et toujours du sable.

Sur votre GPS, il est noté que le prochain changement de direction aura lieu dans 498 kilomètres. Ce n’est pas pour vous rassurez, mais vous souriez. Vous êtes persuadé que cette journée vous rapprochera du Sénégal, que ce sera une belle journée.

Après 100 kilomètres, vous commencez à paniquer. Vous n’avez croisé qu’un camion. La route est passable. Il s’agit d’une route en dur, mais avec beaucoup de ce que les gens appellent “des tôles ondulées”. Ce sont des vaguelettes d’une dizaine de centimètres de large qui s’étalent sur des kilomètres perpendiculairement à la route. Cela secoue beaucoup. Vous êtes inquiets pour Lily, pourvu que les fourches tiennent.

Soudain, vous voyez un jeune garçon au bord de la route. Il a des bouteilles d’un litre et demi devant lui. Vous lui demandez :

- Salut toi, c’est de l’essence que tu as là ?

Vous en achèterez 10 bouteilles, de quoi refaire votre plein.

Vous constatez qu’avec ces tôles, votre sac de couchage et votre tente ont tendance à se détacher de votre paquetage. Vous resserrez le tout. Ce serait dommage que ça tombe en chemin.

Vous roulez.

250 kilomètres avant le prochain changement de direction.

Vous avez parcouru la moitié du chemin jusqu’à Nouakschott, la capitale de la Mauritanie et votre destination pour ce soir. Toujours ce sable, ce désert, mais la moto gagne en assurance et les tôles se font plus rares. Vous en traversez tous les dix kilomètres environ, durant un bon kilomètre, mais cela vous permet de vaciller entre 60 et 130 km/h. Il n’y a pas de limitations en Mauritanie. Pas de véhicule non plus, vous avez dépassé un camion, et croisé un camion et une voiture qui faisaient la route en sens inverse depuis ce matin.

Soudain, c’est le drame.

Vous tournez votre tête sur la gauche : votre sac de couchage a disparu. Vous réfléchissez rapidement. Vous êtes en plein désert. Vous n’allez pas risquer votre vie pour un sac de couchage. Mais quand même, c’est con. Il vous était bien utile.

Vous faites demi-tour.

Vous vous imposez 50 kilomètres. Si après ce chiffre, vous ne trouvez pas le sac de couchage, alors vous dormirez dans vos habits plutôt que dans votre sac, mais surtout, vous reviendrez en direction de Nouakchott, afin d’être au campement avant la nuit.

La nature est hostile. Ce n’est pas une région politiquement calme et même si vous ne voyez personne, vous avez le sentiment que des yeux vous observent de loin, ils sauront vous trouver si vous vous arrêtez.

C’est peut-être une forme de paranoïa, vous l’ignorez, mais vous n’avez pas le temps de faire trop de psychologie.

Vous retournez sur vos roues, scrutant à droite et à gauche. Dans le désert, un sac de couchage aussi volumineux que le vôtre, cela doit se voir facilement, non ?

Vous avez re-dépassé un des camions de tout à l’heure, il vous a fait le signe du motard. Cela arrive souvent de la part des routiers.

Mais rien au sujet de votre sac !

Vous avez déjà parcouru les 50 kilomètres en arrière et il est temps de tenir vos promesses.

Vous faites donc demi-tour une nouvelle fois.

En roulant, vous comprenez que les fameux 600 kilomètres de désert sans pompe à essence, ce n’est pas la route avant la frontière avec la Mauritanie, mais après. Vous êtes en plein dedans.

Vous avez peur !

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