
Chapitre 12 IOVMEDR
12. Hygiène à Dakhla
Le sud d’Agadir réserve de belles surprises, comme cette incroyable route près de Tiznit.
Ça fait du bien de reprendre la route. Vous étiez faible en arrivant à Agadir, mais vous repartez avec des fourmis dans les mains.
Vous profitez d’une nuit reposante dans un hôtel de El Ouatia, une place au nom bien choisi, puisque cela s’appelle le Bellevue. Votre chambre a vue sur l’océan, c’est 10 euros de plus, mais c’est magnifique.
Depuis quelques heures, les prix n’ont pas vraiment changé, mais la qualité est tombée en flèche. Il n’existe plus vraiment de villes ou de villages, seulement quelques maisons en pierres entourées de gens qui vivent dans des tôles ondulées et de la glaise. Le Maroc s’appauvrit.
Après la nuit reposante, vous entrez en contact rapidement avec le monstre régional : le Sahara. Le désert est d’abord fait de pierre et de rocailles, mais parfois quelques dunes de sable apparaissent ici ou là.
C’est d’ailleurs en traversant une de ces longues lignes droites que vous dépassez une moto qui a l’air dans le même délire que vous. Vous le saluez vous vous arrêtez un peu plus loin, et c’est au milieu du désert que vous faites connaissance de Robert. Ce jeune homme est allemand, il roule en Royal Enfield et il a 22 ans.
Vous vous figurez dîner ensemble en soirée tout en échangeant votre numéro de téléphone.
Vous poursuivez votre route. Il roule à 80 km/h et vous beaucoup plus vite, il ne sert à rien de faire route ensemble, mais partager un repas, pourquoi pas.
Vous souriez.
Qu’est-ce qu’on doit bien se dire quand on amorce un voyage pareil à seulement 22 ans ? Vous en avez presque 50 et il vous semblait que vous deviez vous équiper d’une sagesse et d’une maturité que vous ne possédiez pas à 20 ans, mais qui sait ? Votre camarade est peut-être plus naïf, voire plus perméable à ce que cette aventure vous prépare à rencontrer.
C’est peut-être cela, le point commun entre tous ces aventuriers : l’étonnement !
Vous ne jugez pas, vous ne critiquez pas, vous essayez de comprendre et vous vous posez des questions : vous vous étonnez de tout.
Cet étonnement, vous l’avez pratiqué en fin de lycée durant vos études en étudiant la philosophie, une branche dont vous allez poursuivre l’apprentissage à l’université de Genève ensuite. D’ailleurs l’excellente Jeanne Hersch en avait titré un de ses ouvrages, l’étonnement philosophique, qui parcourait l’histoire de la philosophie, des grecs à nos jours.
Il y a ceux qui vous ont empêché de rêver; la philosophie et ceux qui vous l’ont enseigné vous ont plutôt conforté dans votre idée que la vie en vaut la peine, si on réfléchit !
Vous êtes anti-cons !
C’est dans cette optique que vous avez pris la route. Celui de rester étonné, tout le temps. Vous avez beau vous souvenir des vidéos que vous avez regardées pour vous y préparer, vous saviez comment c’était, mais le vivre, c’est vraiment autre chose. Vous découvrez différentes manières de préparer le couscous, ce regard réprobateur quand vous tentez de trouver de l’alcool ou ces réveils étranges au son du chant du muezzin. Le vivre, c’est comprendre, car contrairement à ce que vous lisez, ce que vous voyez sur YouTube ou ce qu’on vous raconte, il y a la notion de temps, de durée qui vient qualifier les images devant vos yeux et les sons absorbés par vos oreilles.
Lorsque vous traversez une forêt de pins en Suisse, vous avez toujours été surpris par les bonnes odeurs que l’ont ressent à moto. Vous les sentez aussi quand vous traversez un village du sud du Maroc, comme cet âne au bord de la route, dont les sacs pendus de chaque côté de son flanc sont remplis de menthe. Vous avez même décéléré un peu, histoire de faire durer le plaisir.
Vous avez passé une nuit dans le désert, appuyé contre un mur. Robert vous a rejoint. Vous avez échangé avant de vous endormir. Vous avez opté pour la fameuse moto-tente de Lonerider, une sorte de 2 pièces et demi tandis que lui a opté pour la tente maxi compact. C’est certainement la plus grande différence entre vous, entre celui qui se demande ce que c’est que le confort tandis que l’autre ne peut aujourd’hui plus s’en passer.
A Dakhla, vous prenez un hôtel de prime abord très sympa, mais c’est vraiment sale, pour dire que vous êtes dans une ville côtière en plein développement, dernier endroit civilisé avant la Mauritanie. Vous travaillez un peu sur votre lit quand vous voyez passer sur le sol un cafard. Vous l’écrasez de votre chaussure. Vous allez chercher un papier pour le mettre à la poubelle, mais vous avez à peine le temps de revenir qu’un millier de fourmis se sont donné rendez-vous autour de ce repas d’opportunité.
Au moins c’est à 2 mètres de votre lit, et pas dans votre lit.
Vous souhaitez prendre un douche. Surprise, la douche, c’est aussi les toilettes. Vous posez les pieds au même endroit, il y a un trou (des toilettes dites Turques) et vous pouvez faire vos besoins. Si vous prenez l’autre option, alors vous trouvez une chaîne suspendue qui vous fournira de l’eau pour vous laver par en dessus, comme dans un sceau suspendu.
Vous subissez votre étonnement de plein fouet.
Vous souriez !
Vous ne pouvez vous empêcher de vous demander s’il y a une durée d’attente entre les besoins et la douche, afin de permettre à chaque processus d’être entièrement terminé avant d’en débuter le second.
Vous sortez boire de l’eau. Vous avez besoin d’air. La population entière regarde un match de foot à la télé, enfin, les hommes et les petits garçons, tandis que les femmes attendent dans la rue.
Vous remontez dans votre chambre. Il va falloir retrouver le sommeil.
Vous décidez de vous mettre sous les draps, mais… il n’y a pas de draps. Il y a une couverture qui semble avoir servi déjà 1000 personnes qui recouvre un matelas sans drap autour.
Vous regrettez votre sac de couchage enfermé dans un garage pas très loin.
Cette nuit là vous ne dormirez que très peu.
Vers 5h30, vous attendez que le soleil se lève. Vous prenez alors la route, direction la Mauritanie !